Je pense qu'il n'y a que le mouvement. Pas de but. Un voyage sans destination, sur un océan sans limite.
L'œil est l'ultime jouissance du vieillard.
J'ai tendance à penser que le scientifique s'efforce d'éclairer des choses complexes, et le philosophe d'obscurcir des choses simples. Ce qui le rapproche du poète, ou de l'écrivain. A tout prendre, je préfère le vrai poète, le menteur de talent, au menteur plat et sentencieux.
La gloire est tentante, si elle n'oblige à rien. Le pouvoir, non. Il oblige à tout, par définition.
La postérité est une éternité profane aussi con que l'éternité religieuse.
Et soudain, après avoir doublé la pointe sud, l'image m'apparut, brusquement reconstituée à l'identique dans tous ses détails, inchangée. Ce fut un choc de mémoire, comme un retour instantané dans le temps dû au pur sens du corps, hors de tout sens formulé. La plage grise s'arrondissait en croissant de lune, lavée par la marée, surmontée par une butte de verdure rase, devant de hautes collines sombres à demi effacées par la brume montante de l'aube.
Et ainsi je me trouvais dans une géographie sans repères, lieu ou plutôt non-lieu accordé à un état mental où la raison, la cause et le but se diluaient dans l'absurde, harmonie violente que j'avais à la fois crainte et désirée. J'étais comme dans une dimension sur quatre, un temps privé d'espace, incalculable mais s'infiltrant dans une courte vie dont seule la durée dérisoire justifiait la comptabilité de l'horloge. Un temps immobile, universel et tueur. Tueur justement de l'espace, ou plutôt des choses de l'espace, de sa matière et de ses repères visibles, tueur de l'air, de l'eau, fossoyeur des mondes, des étoiles mortes et des galaxies effondrées, paisible assassin d'une espèce peuplant le minuscule mais consciente d'agonies gigantesques, froides ou chaudes.
Le passage du compte au décompte des années. Mais pas seulement. C'est plutôt une question d'espace-temps, d'absence de repères, et donc de mort dans l'infini et l'indifférencié.
La nostalgie est une occupation solitaire.
La création est un des remèdes inventés par la conscience pour conjurer la loi physique. La conscience est une trouvaille maligne de la nature. Par hasard ou nécessité...