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Critique de Arakasi


Le 31 juillet 1914, juste avant que ne débute la 1ère guerre mondiale, Jean Jaurès est abattu de deux balles par un jeune étudiant déséquilibré. Au sein des courants nationalistes français et même dans certains groupuscules de gauche, nombreux sont ceux à s'en frotter les mains, voire même à déboucher le champagne pour fêter l'événement. Pourtant dans les quartiers ouvriers et parmi le petit peuple socialiste, ne retentissent que lamentations et un cri de souffrance quasi-unanime : « Ils l'ont tué ! Ils ont tué notre Jean ! » Rien de surprenant à cela car, dans toute l'Histoire de la politique française, peu d'hommes suscitèrent des sentiments aussi contradictoires que Jean Jaurès. Brillant orateur, militant acharné, politicien engagé, Jaurès a déclenché pendant sa trop courte carrière autant d'ovations que de huées, autant d'adoration fervente que de haine féroce. A l'orée du XXIe siècle, l'Histoire lui a finalement rendu justice et on trouve peu de gens pour cracher encore sur cette grande figure humaniste, mais il n'est pas inintéressant pour autant de redécouvrir l'homme dans le contexte de son époque, ses idéaux, les détails de ses luttes et les multiples facettes de sa personnalité.

C'est à cette tâche que s'est attelé plutôt efficacement Jean-Pierre Rioux dans son ouvrage « Jean Jaurès ». Plutôt que de réaliser une biographique chronologique, l'auteur a privilégié une approche thématique, faisant revivre le grand homme à travers une douzaine de portraits complémentaires : Jaurès philosophe, Jaurès orateur, Jaurès historien, Jaurès politicien, Jaurès journaliste… Cette approche ne manque pas d'intérêt puisqu'elle permet de mettre en avant le côté « homme-orchestre » du leader socialiste, mais peut s'avérer assez ardue à suivre pour les personnes n'ayant que des connaissances limitées sur la France du début du XXe siècle et sur la vie du bonhomme. Etant peu accoutumée aux jargons politique et philosophique, j'avoue avoir un peu peiné sur certains chapitres de son ouvrage, mais je ne regrette pas ma lecture pour autant. Si la partie purement factuelle de son ouvrage n'est guère détaillée, Jean-Pierre Rioux se livre en revanche à une synthèse et à une analyse très fines des thèses politiques, historiques et humanistes de Jaurès, thèses généralement méconnues et qui surprennent souvent par leur modernité.

Et parce que Jean-Pierre Rioux est également un admirateur (ce que je ne lui reproche pas, étant moi-même une groupie de Jean Jaurès depuis ma lecture passionnée des « Preuves » de l'affaire Dreyfus), son ouvrage, tout objectif qu'il soit dans ses analyses, est également un hommage émouvant à l'un des plus généreux et brillants hommes politiques que la France ait connus. L'historien se permet même quelques beaux passages au lyrisme vibrant où il laisse libre-court à son enthousiasme et à son affection – des sentiments qu'il est bien difficile de ne pas partager. Rêveur, Jaurès ? Idéaliste, Jaurès ? Indécrottable optimiste ? Peut-être bien… Il n'empêche que l'on ne peut finir cet ouvrage sans songer que, si Jaurès avait survécu au fatidique mois de juillet 1914, le visage de la France en aurait peut-être été changé et pas pour le pire !

Je laisserai le dernier mot à Jacques Brel, car il le vaut bien, le bougre :

« Demandez-vous belle jeunesse
Le temps de l'ombre d'un souvenir
Le temps du souffle d'un soupir
Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? »
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