DANGEREUX PRECIPICE
La vie est parfois faite de vertiges- certains exaltants qui nous portent et nous ouvrent tous les possibles- et d'autres au contraire destructeurs, refoulant et toxiques, comme ceux de Aaro.
Aaro c'est lui sur la couverture, c'est ce beau garçon à l'attitude hypnotique, qui est là sans être là, «
sans toucher terre ». Celui qui veut vivre mais n'y parvient pas et qui ferme les yeux. Celui que la solitude domine depuis trop longtemps, persuadé que c'est elle qu'il mérite et rien d'autre, persuadé qu'il dérange, qu'il est cet être sans intérêt, seulement bon à être chahuté, humilié et violenté.
Aaro évite les miroirs pour s'éviter lui-même comme il évite la vie sociale semée d'obstacles infranchissables, tétanisé à l'idée d'être lui aussi un être social.
Il y a 2008 et il y a Aaro aujourd'hui, devenu étudiant ou tentant de l'être, se risquant à entrer dans la vie, à être en vie, à vivre, enfin.
Mais pour vivre il ne faut pas s'interdire le bonheur, or pour Aaro le bonheur n'est pas dans la réalité. Alors il s'échappe du réel comme un poète maudit dans ses paradis artificiels et finit par s'y perdre trop souvent et dangereusement.
Aaro est au bord du précipice de sa vie, dévoré par un sentiment de culpabilité si fort qu'il risque d'échouer.
Quelle solution ? Comment prendre son envol quand on est englué dans sa propre solitude et dans ses propres angoisses ? Quel sentiment plus puissant que la peur peut bouleverser une vie qui semble sans issue ? Où trouver le repos pour goûter au bonheur qu'on vous a volé et toujours interdit ? Comment se libérer enfin, et était-ce encore possible ?
Antti Ronka a écrit ce roman alors qu'il n'avait que 23 ans. Une écriture de l'urgence et des sens en éveil qui a profondément marqué les lecteurs finlandais et que les éditions Rivages offrent aux lecteurs français aujourd'hui. Un récit à la première personne dans lequel le narrateur prend toute la place- s'interrogeant sans cesse, se détestant tout autant, tentant en vain de rentrer dans le moule du monde social. le lecteur suit ses tergiversations continues, ses hésitations, ses renoncements, ses souffrances bien tatouées.
Ça pourrait être noir mais Aaro ne manque pas d'autodérision et quand on referme ce livre, le sentiment d'avoir lu un texte lumineux domine et c'est une de ses grandes forces : d'avoir su trouver les mots pour supplanter et expier les traumatismes de l'enfance.
Voilà un texte qui porte toute la sensibilité d'une jeunesse meurtrie qui tremble à l'idée de se jeter enfin à corps perdu dans la vie et le bonheur. Vertigineux.