Chronique
« Courir, c'est quand on a les deux pieds en l'air entre deux appuis,
sans toucher terre. »
Or, la gravité nous ramène toujours à la réalité…Aaro pensait pourvoir se réinventer. Il pensait pouvoir rester en envol. Il pensait ne plus retomber.
Sans toucher terre aborde le sujet du harcèlement scolaire. Aaro pensait échapper à ces années d'enfer, en enfilant un costume, en allant ailleurs, en quittant les bancs de l'enfance…
Mais la gravité ramène toujours au plus près de soi.
Si jamais vous croisiez Aaro, il est probable que vous ne verriez rien de probant: il est jeune, beau, prometteur…Il traîne avec d'autres jeunes, il danse, il boit, il étudie, il porte des vêtements branchés…Oui mais voilà,
Antti Rönkä nous emmène à l'intérieur. A l'intérieur de ses pensées, à l'intérieur de ses souvenirs, à l'intérieur de ses troubles. Aaro est rongé par des pensées parasites, il lutte, il lâche, il oublie, il se rappelle, il tangue, dangereusement…
Mais la gravité le ramène toujours sur les sentiers mille fois empruntés, et il a beau s'être entraîné, il court, il court vers un possible autre Aaro, il aimerait y croire, il y arrive, parfois, mais les appuis sont faibles…
L'alcool et la drogue, tellement à portée de mains, et puis lui permettent, de s'envoler loin de tout ça, très loin. de lui, des autres, de ça. Et puis, il faut taire la douleur, coûte que coûte.
Mais la gravité ramène aussi parfois des surprises, de l'amour, des joies minimes, mais des joies quand même.
Alors peut-être qu'il est temps de faire des efforts. D'essayer d'être autre. de se confier, de guérir, d'aimer.
Mais la gravité est tenace. Elle aime à jouer avec les nerfs, elle est compétitrice, elle est revancharde, quand tu crois que tu l'a semé, elle t'attends, elle, sur la ligne d'arrivée…
Et on a plus qu'à constater les dégâts.
J'ai lu et adoré ce livre, malgré le sujet difficile. Je trouve que l'auteur a réussi avec brio, à nous rendre ce jeune homme attachant. Il sait qu'il est victime, il en a parfaitement conscience, mais il a le recul et l'intelligence nécessaire au seuil de sa vie d'adulte, de reconnaitre aussi sa part de responsabilité dans ce rapport. Mais l'engrenage du silence et des traumatismes a fait trop de carnage pour qu'il puisse s'envoler avec grâce…Et pourtant…
Si jamais, tu cours, tu sais l'euphorie. L'euphorie de défier la gravité. D'aller lui dire encore et encore, que la seconde où on est effectivement en train de voler, vaut la peine qu'on s'y accroche. Plus tu cours, plus tu parles à cette gravité et tu la fais tienne. Courir est une drogue, la meilleure sans doute…De celle qui t'éloigne des maux, et t'approche au plus près de ces mots qui libèrent…Et la réalité peut bien être grave, il existe une approche, entre deux appuis, la course et l'écriture, pour être au monde, en équilibre…
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