L'insensé d'un temps d'insensés
Surgi des illettrés, je n'ai eu personne pour m'expliquer
Combien il faut mentir pour être sauvé ;
J'ai dit devant n'importe qui ce que je croyais vrai,
Il faut désespérer de m'apprendre à tromper,
Je ne serai jamais un civilisé.
En tout, partout, je tiens debout
En tout, partout, je tiens debout
(...)
Jamais je n'ai séparé les terres.
Tous les cris bafoués dans ma bouche ont remué,
Ont repris vie
Furent à neuf sur mon sang respectés.
(…)
L’homme qui fit tous les tours
extrait 1
Quand j’aurais rendu visite aux hommes du monde entier,
Quand à travers leurs mots, leurs chants, leurs plaintes
j’aurai partout passé, ayant comme laissez-passer
Auprès d’eux tous ma fatigue et mon effort de nuit et de jour,
Quand, pour comprendre un mot de plus d’un frère éloigné,
J’aurai donné aux aurores, mon sommeil, mes songes pendant
dix années
(Que fait-il en Chine, cet homme-là
Et celui-là que fait-il dans l’Arabie ?
Qu’ont-ils fait dans tous les temps, dans tous les pays ?)
…
Mon pays
Extrait 4
Seuls les jeux des oiseaux, des ruisseaux, des herbages,
M’aident lorsque je veux descendre en votre sang
Pour céder tous mes cris à l’amour des vivants,
(Oh ! pleurs, détruirez-vous d’eux à moi la distance ?)
À l’amour des passants, moi qui suis de passage
Et qui ne prétends plus qu’à mon trop haut tourment.
…
/Editions Gallimard, 1940