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EAN : 9782844181985
128 pages
La Part Commune (06/05/2010)
4.29/5   7 notes
Résumé :
Préface de Françoise Morvan.

Dans les manuscrits retrouvés après la mort du poète et traducteur Armand Robin, figurent quelques fragments sur son enfance. Dans le même temps, il s'essayait à photographier ce monde qu'il allait quitter. Ce fut un photographe amateur, mais ici le flou et la maladresse deviennent des qualités qui amènent à prendre ces images comme des fragments abandonnés..


(Présentation de l'éditeur)
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Un petit livre à la couverture beige ornée d'une photo : celle d'un accordéoniste assis sur le bord d'une auge, dans la cour d'une ferme, un enfant à ses côtés. Il y a, dans la pose de l'homme, quelque chose de grave et de joyeux à la fois, un sourire amusé qui n'est pas dupe de la brièveté d'un jour de fête, d'une gaieté brusque où s'enchaînent les danses, avant que chacun retourne au dur labeur quotidien. Celui qui est derrière l'objectif - Armand Robin - est de passage au pays, peut-être pour donner un coup de main pendant les récoltes, peut-être pour échapper à la ville et à la chaleur d'un été opulent ? Il prend des photos, maladroitement, figeant une posture familière, un pré et ses chevaux, une haie et quelques outils abandonnés, l'image bougée dans un flou involontaire. Ses poèmes brefs sont aussi des instantanés, une écriture tremblée où affleurent les blessures d'un coeur éparpillé par l'abandon du pays. Quand je lis ses vers, mon coeur à l'unisson du sien, s'étreint de leur beauté.
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Me conduire en des lieux écartés


  Avant que ma voix ne devienne  isolée,  j’eus mon pays
près de moi.  Les fontaines, les joncs,  les chevaux étaient
les relais de mes voyages ; de lentes et claires eaux étaient
mes promenades ; et mon sommeil  était  d’un  feuillage
tendrement et lentement gonflé de bruits.

*

Les fontaines, les plantes, les incertaines lunes
Furent mon logis ; les ronces méprisées furent ma fortune.

Les plantes lentement bruissantes et bougeantes
Aujourd’hui, malgré trente langues, trente sciences,
Seraient mon âme, ma vie en ses travaux enfin stagnante,
S’il n’y avait encore trente autres langues et sciences ;
Ma tête resterait ferme, après avoir été dix folies,
S’il n’y avait trente, quarante, mille autres folies.
Sans doute j’aurai besoin que les vents et les ruisseaux
Me guident, que les taureaux encore mettent leurs museaux
Dans mes jours abreuvés de lentes eaux.
  ... Je voulus désespérer une voix désespérée, la conduire en
des lieux écartés, la perdre et revenir souriant vers des plantes
souriantes.
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L'illettré

Devant les bois, les blés, j'étais béat benêt :
Je lisais ce qui ne se lit pas :
Les nuages, les vents, les rochers, les ébats
De la lune dans les bois.

Et le ciel avec son grand étang courbé
Où le soleil tout le jour accroît son caillou,
Onde par onde, et le déferlement changeant
Des nuages disposaient de moi.

Les arbres tournaient lentement en moi
Leurs pages tantôt bruyantes, tantôt muettes
Tantôt épaisses et jaunies, les saisons
Me donnaient des leçons.
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L’homme qui fit tous les tours

Quand j’aurai rendu visite aux hommes du monde entier,
Quand à travers leurs mots, leurs chants, leurs plaintes j’aurai partout passé, ayant comme laissez-passer
Auprès d’eux tous ma fatigue et mon effort de nuit et de jour

Quand, pour comprendre un mot de plus d’un frère éloigné,
J’aurai donné mes aurores, mon sommeil, mes songes pendant dix années,
(Que fait-il en Chine, cet homme-là
Et celui-là, que fait-il dans l’Arabie ?
Qu’ont-ils fait dans tous les temps, dans tous les pays ?


Lorsque j’aurai servi les plus grands de tous,
Pouchkine, Ady, Fröding, Imroulqaïs, Tou Fou,
Essénine, Maïakovsky, Palamas,
Lorsque j’aurai vécu sans sommeil, sans lit,

Je déboucherai sur un grand désert,
Sans personne,
N’ayant plus que moi-même ;
Je devrai m’expliquer avec les étoiles,
M’en aller tout petit sous la grande clarté de la nuit,
Très âgé,
Comme un qui a traversé les pays et les âges.

Mais je me sentirai jeune de la terre traversée, aimée,
J’aurai pour m’apaiser toute la terre consolée.

(p. 86-87)
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La protestation

LE JONC
Avec mes gestes qui se courbent,
Frêlement,
Je proteste contre le japonais.
Je sais que je n’aurai pas d’effet.

LE CHÊNE
J’ai le droit de te gronder :
Je t’avais donné de l’écorce, des feuilles nombreuses et touffues,
Et tu me trahis, tu prends du chinois.

LE ROCHER
Quand il marche sur moi, pieds égarés,
Je sais lui pardonner,
Mais il m’a délaissé
Pour le finlandais, le patagonais.

LE CIEL
Avec mon soleil avec ma lune avec mes étoiles
J’éclairais les ronces qui le cachaient
Et ma grande histoire de nuages passagers
Etait mon alliée.

L’EAU SAUVAGE
Sauvage, je le suis plus que lui ;
Mieux que lui hors de toute main je fuis ;
Mais ces choses dont il s’occupe
Sont plus éphémères que mes eaux.
Qu’il cherche encore dans mes eaux son visage,
Et l’image où les choses s’embellissent
Et flottent sur un courant qui tremble.

LA GRENOUILLE
Jadis il s’allongeait,
Montagne ombreuse, près de mes renflements bleus et verts ;
Toute petite, je sentais en lui bouger
Les immenses, humides prés.
Aujourd’hui il apprend les signes les plus purs pour se dessécher ;
Il fait exprès de ne plus savoir s’incliner,
Il désapprend le vent.

MOI
Le chêne me gronde,
Le monde du vert, du frais
Dur, éphémère,
Me prend dans sa ronde,
M’arrondit pour propriété.

LE MONDE
Toute richesse, spontanément,
Chez lui s’est offerte ;
Nous lui fîmes largesse ;
Lui,
Il prit sanscrit, hébreu,
Se sépara, lépreux,
Sahara monologuant
Avec le vent, le néant.

LA VOIE LACTÉE
Sa grande amicale poitrine blessée
Au long de nous s’est courbée avec son lait.

MOI
Les arbres pour toujours m’ont couvert d’un langage
De feuilles, de printemps, de fraîcheur, de rosée
Infini, inlassé
Mais aujourd’hui
Je veux être avec les signes du monde entier,
Je veux être avec les hommes partout dans le monde entier.

(p. 41-43)
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Avant que ma voix ne devienne isolée, j'eus mon pays près de moi. Les fontaines, les joncs, les chevaux étaient les relais de mes voyages ; de lentes et claires eaux étaient mes promenades ; et mon sommeil était d'un feuillage tendrement et lentement gonflé de bruits.
[...]
Sans doute j'aurais besoin que les vents et les ruisseaux
Me guident, que les taureaux encore mettent leurs museaux
Dans mes jours abreuvés de lentes eaux.
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Videos de Armand Robin (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Armand Robin
Armand ROBIN – L’anarchiste de la grâce (France Culture, 1989) Une compilation de cinq émissiosn de radio des « Chemins de la conaissance », par Roger Dadoun, diffusée du lundi 2 octobre au vendredi 6 octobre 1989 sur France Culture. Invités : Gérard Meudal, Antoine Berman, Mireille Guillet, Alain Bourdon et Georges Monti. L’émission « Surpris par la nuit », par Frédéric Acquaviva, diffusée le 22 mars 2007 sur France Culture.
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