Il faut fuir les hommes. Les forêts sont devenues trop petites… pour cacher les ours et ceux qui s’aiment.
Tout est fait de la même chair, les arbres, le vent, les montagnes, les animaux...
(face à un ours empaillé dans un musée) :
C'est le dernier représentant d'une lignée de plus de cent mille ans. Les ours ont régné sans partage sur le Plateau. Le Vercors était leur berceau. Un pays taillé pour eux : des forêts de hêtres immenses, gorgées de gibier, de fruits, de champignons, de racines. Des rivières débordantes de truites, d'écrevisses et de grenouilles. des falaises calcaires truffées de grottes. Leur règne aurait pu durer éternellement, mais nous sommes arrivés. Notre règne sera bien plus court.
(dans une "vraie" forêt) :
- Tu entends son souffle, tu sens son odeur ? La forêt respire. On n'est pas dans une forêt de planches pour faire des cercueils. Ici, tout grouille de vie, des racines des arbres à leur sommet.
- C'est grand ?
- Non, elle se réduit d'année en année. Bientôt, l'homme aura tout dévoré.
- Mettez-vous sur le tabouret. Vous vous appelez comment ? Et vous venez d'où ?
- Édouard Roux. J'habite à Grenoble. Je suis originaire du Vercors.
- Grenoble ! Je connais. « Une montagne au bout de chaque rue », comme l’a écrit Stendhal. (p. 56)
« Tant que dans la montagne régneront les ours, le soleil se lèvera le matin. Mais, au soir où mourra la dernière reine, alors ce sera le début du temps des ténèbres. » (p. 36)
- Qu’est ce qui se passe ? C’est quoi, cette procession ?
- Vous n’êtes pas d’ici ? Le tribunal a condamné cette ourse à être pendue et brûlée. On l’emmène pour son exécution.
Le drapeau, la patrie. Tout ça, c’est de la merde. J’ai perdu mon visage pour rien. Pour un tas de merde.
Les forêts sont devenues trop petites pour cacher les ours et ceux qui s'aiment.
C'est une belle saloperie que de tuer une telle bête.