Citations sur Unes (15)
Doris caresse les seins de sa maîtresse, les suce, les fait glisser dans sa bouche comme une friandise jusqu’alors interdite. Puis elle s’allonge sur son corps, frotte son pubis sur celui de Nina, le flatte jusqu’à ce qu’elle sente les premiers frémissements du plaisir gagner ses hanches, ses jambes élancées, son ventre ; sa chair tout entière.
Nina exulte. Nina est reine.
Jouir d’une voix. Jouir infiniment, à deux, à unes. Jouir à rompre les cœurs verts, à violenter les âmes closes. Jouir à noircir les crépuscules, à fissurer les barrages, à corrompre les rivières. Jouir à en devenir idoles, asiles de toutes les couleurs, de tous les parfums, de toutes les peaux.
Voici votre ciel, voici votre jardin. Entrez et servez-vous bien. Tous les fruits sont à vous, même ceux de l’arbre interdit. Car en réalité, il n’est pas interdit. Il est simplement réservé aux indomptables de l’amour.
Elle la veut, cette jouissance, elle la mérite. Elle l’invente comme elle n’a jamais osé l’inventer, puissante et bleue. Oui, bleue. Incroyablement bleue.
Les mots lui sont une fulgurance qui luit dans sa vie comme une brassée de sarments enflammée près de la vigne en hiver. La nuit est un champ de comètes posées à même le sol. Elle regarde cette constellation, s’arrête auprès de chaque brasier pour y découvrir un seul mot d’amour ; celui de Doris. Il doit s’écrire quelque part, il doit naître pour elle, par miracle
Doris fléchit, à l’horizontale. Elle sent le sexe de Nina couler entre ses fesses. C’est épais, chaud, apaisant. Au moment où ce ruisseau sauvage atteint, en pente douce, sa propre vulve, elle s’entend gémir, appeler. Elle ne sait plus qui elle est, à quelle sorte d’être elle peut encore s’apparenter. Aucune image ne lui vient plus. Sa peau entière réclame l’apothéose. Ce n’est plus l’Océan, ni aucune île inconnue où elle rêvait de cacher son amour. Désormais elle marche sur les flammes sans être atteinte. Elle boit à s’enivrer la fiole d’essence. Et cette essence, au lieu de la dévaster, la rend plus forte.
Nina l’enlace, la parcourt de baisers humides et piquants. Sa poitrine s’est gonflée d’air au point qu’il lui paraît inutile de respirer, tant sa réserve est vaste. Elle respire quand même, de haut en bas. Elle respire au rythme des cymbales qui palpitent dans son ventre, comme un 14-Juillet sur les Champs-Élysées. Elle se sent peau de chamois, douce-mouillée, dure-sèche.
La reine, c’est aujourd’hui. C’est ce soir, c’est cette nuit. Ce chambardement que tu as créé dans mon corps, nos peurs métamorphosées en regards invincibles. Nos mains nourrissant de jeunes bourgeons, fruits de nos orgasmes et mères de nos sexes moelleux. Déguste-nous comme du caviar, chérie. Roule chaque grain sous tes papilles.
Nina dit : Le ciment. Nous. Unes. Toi et moi, accouchées de notre amour. Doris, dis-moi si tu confonds ma peau et la tienne. Si nos espoirs sont échangés. Si nos corps se prolongent pour inventer un autre corps.
Elle sent des pics, des pioches s’enfoncer dans son ventre ; puis percer des galeries périlleuses. Une locomotive avance. Rien ne semble pouvoir interrompre son voyage insensé. Elle avance, défrichant des contrées insoupçonnables, jalonnant une rocade sans but ni destination, sorte de piste désaffectée, effacée des cartes ; perdue. Puis elle s’immobilise, arrêtée par un mur.
Doris pense que l’aventure cesse à cet obstacle ; que son corps a offert toute son étendue, que le voyage a trouvé là son achèvement. Entre plaisir et douleur elle respire, pressée peut-être de vivre le retour, le flottement bienfaisant. Au moment où elle se relâche, où elle imagine déjà l’escale pour son sexe en partance, au moment où elle pense s’évanouir d’une traite, recroquevillée de son côté du lit, une déchirure somptueuse s’accomplit en elle.