Citations sur Les frôlements infinis du monde (14)
C’est un ruisseau qui chante…
C’est un ruisseau qui chante,
dans les bras bleus du crépuscule.
Où va-t-il, au-delà des traces de pas
que j’ai laissées dans l’herbe caressante
qui noue ses lentes courbes aux murmures
de l’eau ? Savez-vous quelles lueurs
les ruisseaux, les tous petits ruisseaux
entraînent avec eux, dans les tourbillons
inconnus du temps ? et dans ces trous
creusés, sous la mémoire, par les errantes
amours qui furent incomprises ? les amours
dont on ne parle plus, mais qui dorment,
au fond de nos silences, avec d’infimes
soubresauts qui les réveillent
et nous réveillent aussi, en pleine nuit,
alors que nous rêvions d’un ruisseau
qui absorbait le ciel sans détruire
sa paix ni déchirer ses voiles.
Ruisseau ! la lumière vivante
est un reflet de l’ombre.
Les visages anciens ne s’effacent jamais…
Les visages anciens ne s’effacent jamais,
le temps nous émiette, c’est certain,
mais dans nos souvenirs, demeurent
les sourires qui nos consolèrent
et les regards qui nous reconnurent.
La fraîcheur claire des feuilles de hêtre
et celle obscure des sapins, nous rappellent
que rien ne meurt si l’on veut bien
ne plus penser à soi. Toute saison invente,
à travers nous, les multiples endroits
où elle peut poser ses mystères et ses voiles,
elle est jeune en chaque source qui jamais
ne tarit, en chaque cascade qui ébrèche
son propre miroir, en ces muets effritements
qui ne changent rien à l’immémorial passage
du vent. Les visages anciens nous aiment,
nous protègent, sachons ne pas nous presser
pour qu’ils nous restent fidèles,
ne déchirons pas notre vie, notre seuil
s’appelle lumière.
On est pris d'une langueur
dont on aime le bercement,
ce bercement dont se grise l'automne,
entre de massives ombres
et d'instables lumières.(...)
Le jour, octobre l'écrase,
comme un lourd abandon
sur un fragile amour.
Que m'emporte le printemps!
qu'il m' entraîne ! Je ne veux être
que son souffle et la légèreté
de ce qu'il dissimule
sous ses offrandes et ses promesses.
Un parfum de lilas remplace
qui nous sommes, et c'est très bien ainsi,
puisque le merle noir qui enfonce
son chant dans les sursauts du temps,
suffit au monde et le prolonge
sans que nous y soyons vraiment
pour quelque chose. Le parfum des lilas,
même s'il semble plus fragile
que nous, c'est lui que le vent
descendu des montagnes
retiendra dans ses profondeurs.
Il y a dans l'ivresse de la lumière
que les mésanges matinales rendent
plus forte encore, il y a des portes
ouvertes sur la vie, avec tant
de frémissements qui ressemblent
aux étoiles, à la sève nerveuse,
qu'on se sent aussi grand que le jour
qui lèche les fenêtres et régénère
le présent plein de couleurs
et d'indicibles espérances.
Les arbres récitent des couleurs
infinies, et toi, comme un enfant,
tu les serres contre toi et tes songes.
La beauté des étoiles dépend de l'oeil
qui les regarde, comme l'amour
dépend des caresses données.
Les visages anciens ne s'effacent jamais
le temps nous émiette, c'est certain,
mais dans nos souvenirs, demeurent
les sourires qui nous consolèrent
et les regards qui nous reconnurent.
Les vanneaux tissent, dans le ciel,
d'enfantines légendes ,
ils ne laissent pas de traces,
et pourtant, on voit, dans la profondeur
qui demeure après leur passage,
une légèreté de paupières fermées
sur un songe d'amour qui ne s'éteindra pas