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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Du noir bien serré et au féminin. Pourquoi pas ? D'autant que je n'ai pas souvenir d'être déjà allée me promener en lecture du côté de Montevideo, capitale de l'Uruguay. Mes incursions en Amérique du Sud sont assez rares mais cette année, vous le savez, je fais autant que possible le tour du monde.

Me voilà donc sur les traces d'Ursula Lopez, quadragénaire célibataire, traductrice de profession qui complète parfois ses revenus en jouant les utilités dans des émissions de téléréalité. Ah j'oubliais, Ursula est grosse et ça la met de très mauvaise humeur, état d'esprit que seule une orgie de nourriture peut apaiser quelques heures. Ursula est aussi redoutablement intelligente, même si elle s'efforce de ne pas le montrer. Vous pensez connaître Ursula ? Vous avez tout faux. D'ailleurs, lorsque les ravisseurs d'un riche homme d'affaires la contactent en croyant parler à la femme de ce dernier - l'homonymie, parfois... - pour réclamer une rançon, ils sont encore loin de se douter à quel point ils ont tout faux.

Il est très facile de se laisser embarquer dans le jeu proposé par l'autrice et rondement mené par son héroïne. D'abord grâce au ton légèrement décalé qui oscille entre noirceur et dérision et à l'ironie presque cocasse qui s'invite dans des dialogues bien troussés. Ensuite grâce à la singularité de ce personnage dont la personnalité s'est forgée à l'aune des humiliations subies depuis l'enfance, mais dont l'intelligence en fait une manipulatrice hors pair et quasiment insoupçonnable. Enfin, grâce au savoir-faire narratif de l'autrice qui gère les pas de côté et les petites surprises qui viennent pimenter le récit de comportements inattendus. Il y a beaucoup de mauvais sentiments, sinon ce ne serait pas drôle. Mais l'ensemble est très bien dosé et livré avec finesse, sans aucune goutte de sang. Enfin, de ce que l'on sait. Car on a beau avoir accès à l'esprit d'Ursula, on souhaite parfois éviter de comprendre ce que l'on croit y percevoir. Après tout, "aujourd'hui, plus personne n'est maître de son esprit"...

Du noir qui se déguste d'un trait comme un café ristretto, dont la force délicate de l'arabica fouette agréablement le palais.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Si l'on m'avait demandé de citer un ou une auteure uruguayenne avant de lire L'autre femme de Mercedes Rosende, j'aurais été bien incapable de le faire : je remercie les Éditions Quidam pour cette immersion dans cette partie de l'Amérique latine, plus exactement à Montevideo, la capitale uruguayenne, dont l'actualité, économique ou littéraire, est très peu relayée en France. Je suis d'autant plus heureuse que ce titre ait plus de retentissement ici, que Mercedes Rosende sera présente à la prochaine édition du Quai du Polar. L'autre femme est le premier titre de la trilogie d'Ursula, dont je l'espère les deux autres titres seront publiés prochainement.

Si ce récit est qualifié de roman noir par certains, j'aurais personnellement quelques réticences à le faire rentrer dans cette case un peu formelle et réductrice. Je serais plutôt d'avis que Mercedes Rosende donne une nouvelle dimension ou approfondit le genre, on se rapproche davantage d'une parodie de roman noir. À ce propos, au festival Quai du Polar, Mercedes Rosende participera à la conférence intitulée Rire noir, rire jaune mais rire toujours qui interroge le lien entre l'usage de l'ironie et du polar. Pour revenir au roman, la protagoniste principale Úrsula López, qui donne son prénom à la trilogie, mène la danse et donne le rythme de cette intrigue dont l'absurdité cynique nous régale : c'est une femme aux multiples talents, dont celui d'être une actrice à la petite semaine dans un reality-show vendu aux Américains, d'être traductrice littéraire et à l'occasion, époussette avec amour ses statuettes japonaises et cultive avec gourmandise son doux péché mignon qu'est le dulce de Leche. Mais ce qui la distingue, ce sont les kilos en trop, qu'elle traîne depuis des années et qui font de ses repas journaliers un combat de tous les instants, à travers la multitude de régimes possibles et imaginaires que tous les diététiciens d'Uruguay et d'Amérique ont mis au point. C'est une femme qui ne s'aime pas, coincée entre l'image peu reluisante qu'elle a d'elle-même et un passé qui ne cesse de la hanter. J'ai ressenti beaucoup de sympathie et de tendresse à l'égard d'Úrsula, Mercedes Rosende a choisi une héroïne qui, si on s'en tient à sa focalisation, n'avait rien pour le devenir, en tout cas selon les normes habituelles. Mais, justement, c'est un roman qui ne se contente pas des normes, il les franchit allègrement. La rencontre avec l'autre Úrsula López, son double, son homonyme, à travers son implication fortuite, et ubuesque, à ce crime sordide et prodigieusement raté donne une autre perspective, à notre première, et finalement seule et unique, Úrsula López.

Si j'évoquais précédemment mes réticences quant à l'appartenance du titre à une catégorie bien définie, c'est justement parce que le crime dont il est question est raté avec un tel panache, qu'il tient plus de la parodie de l'enlèvement que d'un crime véritable : deux bras cassés veulent se faire un peu d'argent, il est impossible de prendre au sérieux ce duo d'apprentis kidnappeurs, et dans la globalité, de prendre au sérieux l'ensemble de ces personnages qui se retrouvent mêlés à un crime sans queue ni tête. C'est justement ce qui donne ce petit gout savoureux au roman, outre l'exquise sensation de cette confiture de lait sur notre palais, la scène relève plutôt du comique de boulevard. L'auteure uruguayenne y démonte tous les ressorts dramatiques ou tragiques, ou plutôt faudrait-il dire que le drame ne se trouve pas vraiment là où on le croit. Cet enlèvement permet à Úrsula López de rencontrer son double, son antonyme exacte, son négatif ou positif, celle qui joue le rôle de révélateur de notre Úrsula López, celle qui apporte un autre éclairage sur le personnage.

L'autre femme est un roman kaléidoscope, qui déconstruit et construit les perceptions des personnages sur eux-mêmes et sur autrui, l'auteure joue habilement entre ces diverses visions subjectives, où les êtres sont finalement éclatés entre plusieurs visions et sont constamment dans un rôle : si la télé-réalité en est un exemple amplifié à l'extrême, la femme obèse qu'elle est dans son esprit devient pourtant une tout autre femme sur la scène du crime ou devant les yeux de son homonyme. Inutile de dire que j'ai été très sensible à ce trait narratif, qui trace les lignes d'un scénario, un peu improbable mais truculent, et cette réflexion sur le fond, sur cette question de la duplicité, que j'ai trouvé bien traitée et très pertinente.

Il semblerait que les deux autres titres de la trilogie uruguayenne aient été traités sur le même ton – j'ai eu la curiosité de lire le résumé de El miserere de los cocodrilos, le titre qui prend la suite de L'autre femme au sein de la trilogie, et je serais très heureuse d'en lire la traduction. En attendant, je compte bien aller écouter Mercedes Rosende ainsi que l'auteur polonais Zygmunt Miłoszewski, dont j'apprécie les romans, et les auteurs français Christian Casoni et Sébastien Gendron à cette fameuse conférence dont je vous transmets le lien.




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Au départ, deux histoires parallèles : la première centrée autour d'Úrsula Lopez, une femme de 40 ans, confrontée à des problèmes de surpoids ; la seconde raconte le rapt, jour après jour, de l'enlèvement au dénouement, de Santiago Losada, un homme d'affaires connu, par deux individus voulant extorquer une rançon à son épouse. À la page 66, les deux histoires se recoupent lorsque Germán, l'un des kidnappeurs, appelle la « mauvaise personne », à savoir notre héroïne, qui porte le même prénom et le même nom de famille que la femme de Santiago Losada.
Maladroite, cynique, Úrsula ne mâche pas ses mots. Elle vit seule dans un appartement hérité de ses parents, au centre-ville de Montevideo. Elle repense souvent à son père, à l'origine de ses traumatismes d'enfant, tels que les prohibitions alimentaires, les humiliations (sa petite soeur, Luz, mince et jolie, pouvait manger de tout). Elle évoque aussi Mirta, l'employée de sa tante Irene, et son petit ami, Ricardo, actuellement en prison pour l'homicide d'Irene. Úrsula a découvert par hasard qu'après la mort de sa mère, son père a eu une relation avec sa tante.
Úrsula partage son quotidien entre ses traductions (elle traduit les textes du poète haïtien, James Noël), les réunions des obèses anonymes, des épisodes de voyeurisme. En plus de son travail de traductrice, elle collabore ponctuellement à une émission de télévision. Elle se rend de temps à autre à des rendez-vous médicaux (gynécologue, psychologue) ou chez le coiffeur.
Lorsqu'elle reçoit l'appel de Germán, elle accepte de se faire passer pour l'autre Úrsula afin de mettre un peu de piment dans sa vie tiède et désoeuvrée. C'est en cherchant des informations sur l'enlèvement qu'elle comprend que la méprise est due à une homonymie et qu'elle l'« autre femme ». Úrsula fait donc l'intermédiaire entre l'épouse de Santiago Losada et son kidnappeur, pour lequel elle éprouve de la sympathie (Germán lui raconte que trois ans plus tôt il fréquentait le même club des obèses anonymes). Úrsula appelle l'autre Úrsula pour lui demander 2 millions ; celle-ci lui dit qu'elle ne veut pas que son mari soit libéré, car il la trompe, et offre 3 millions pour qu'on le fasse disparaître.


Le récit est structuré en sept parties, correspondant à sept jours, et un épilogue « Un mois plus tard ». Outre le monologue à la première personne d'Úrsula sont insérés dans le texte plusieurs conversations téléphoniques, le rapport de police sur la dénonciation de notre héroïne concernant le tapage nocturne de sa voisine (qui n'aurait lieu que dans sa tête), les deux lettres qu'écrit Úrsula à sa voisine pour lui enjoindre de faire moins de bruit , trois articles de presse autour de l'enlèvement de Santiago Losada. On se trouve face à un dispositif narratif habile, servi par une prose fluide et envolée, un rythme cadencé. le style très oral du début se perd un peu.

Dès la première page, le lecteur est saisi par le personnage haut en couleur d'Úrsula, qui, à mesure que le récit avance, s'avère de plus en plus borderline, sans pour autant cesser de susciter la sympathie. Authentique, débordant d'imagination, cynique, elle rêve de devenir une autre personne, plus mince, plus riche, etc. Tout aussi névrosé qu'Úrsula, le personnage de Germán est également intéressant et attachant.
L'humour traverse le texte du début à la fin : mentionnons la scène d'ouverture dans la cabine d'essayage d'une boutique de vêtements (Úrsula ne parvient pas à retirer sa robe sans la déchirer), la réunion des obèses anonymes (Úrsula compare les rituels du groupe aux tragédies grecques), l'ascenseur de son immeuble en panne qui l'oblige à emprunter les escaliers pour monter non sans peine jusqu'au cinquième étage, le rapt de l'homme d'affaires par deux amateurs. le lecteur est happé par le ton singulier, à la fois drôle et grinçant, mais aussi mélancolique, de ce roman, où l'auteure dénonce l'hypocrisie et le ridicule de la téléréalité ou encore la froideur du corps médical. Comme tout roman noir qui se respecte, le suspense est présent : le lecteur se demande com-ment Úrsula va se sortir de l'imbroglio dans lequel elle s'est fourrée. À cet égard, la chute est plu-tôt réussie. Ainsi, L'autre femme mêle astucieusement thriller, histoire personnelle et familiale, mélodrame, ayant pour toile de fond la ville de Montevideo.
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