Citations sur Manderley for ever (133)
Daphné se tourne vers la maison aux secrets, la dévore des yeux avec une gourmandise amoureuse,s'assied dans l'herbe imprégnée par la rosée, regarde encore et encore, subjuguée. ... elle se lève enfin, les jambes engourdies s'approche du manoir, pose les mains à plat sur le mur gris, sous le lierre près de la porte d'entrée. Un frisson la parcourt de la tête aux pieds,elle ferme les yeux, s'abandonne à ce vertige, plus puissant que l'amour, plus fort que tout.
voilà comment se nourrissent les romans, d'ardeurs et d'obsessions, tout ce qu'on ne peut exposer au monde extérieur au risque de passer pour une démente, tout ce qui se trame dans l'âme des écrivains, fragments de vérité et de fantasmes, argile personnelle façonnée et pétrie à souhait dans les dédales d'un labyrinthe de l'intime interdit aux visiteurs et aux curieux.
La petite fille trouve le temps long. Elle lève les yeux vers la fenêtre et se met à rêver.
Peter Pan est là, caché derrière le volet. Il vient la chercher, pour l'emmener au Pays Imaginaire. Elle, et personne d'autre.
Les manteaux de fourrure s’exhibent, les voitures garées le long des trottoirs sont les plus onéreuses, les plus voyantes. dans le célèbre jeu Monopoly, version londonienne, "Mayfair" reste la case la plus convoitée depuis quatre-vingts ans.
Daphné regarde les vagues se briser sur la falaise. Elle ouvre la fenêtre, respire l'air salé de la mer. Cela lui fait du bien, quelques instants. Mais la douleur revient, lancinante. Un romancier qui n'écrit plus est une entité sans vie. Un mort vivant.
Menabilly, son Manderley à elle engendré du même terreau magique que le Pays Imaginaire de l'oncle Jim, cet espace où elle ne va que seul et dont personne d'autre ne possède la clé.
Est-ce de l'amour ? C'est de l'ordre du secret, du clandestin, du cloisonné, des émotions intimes qui tourbillonnent à l'intérieur, un courant puissant qui secoue en permanence, mais dont il ne faut rien montrer en surface, ne rien dire, ne rien laisser filtrer, c'est dans la veine troublante de ce qu'elle a vécu il y a quatre ans avec son cousin Geoffrey et qu'elle n'a jamais oublié. Certaines filles sont jalouses de sa complicité avec Melle Yvon, elle a remarqué ces regards en biais, ces chuchotements, cette suspicion.
Daphné hoche la tête, l'eau de rose ce n'est pas pour elle, ce qu'elle veut, c'est que son lecteur soit saisit à la gorge, c'est ne jamais laisser indifférent.
La magie des livres est une drogue, un sortilège, une échappatoire, aussi puissante, aussi envoûtante que le Pays Imaginaire de Peter Pan.
Daphné comprend pourquoi son père aime tant devenir quelqu'un d'autre, c'est vrai, c'est enivrant de revêtir un costume et de changer d'apparence. Elle ne se sent plus timide du tout quand elle joue devant les amis de ses parents. [...] Les invités applaudissent à tout rompre. Et si, finalement, la vie, c'était de faire semblant ?