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Critique de candlemas


La Marche de Radetzky est indéniablement un roman historique, témoignage de grande valeur de la fin de l'empire austro-hongrois, de son apogée en 1859 à la décadence, accélérée par la la 1ère Guerre mondiale.

Cette marche, à contre-pied de celle de Johan Strauss pleine d'entrain, débute avec la défaite de Solferino, et la "création" d'un héros pour les livres d'enfants... toute la suite de l'histoire décline ce même thème : au-delà de l'apparente réussite d'une famille entrant dans la vie aristocratique et superficielle des soutiens au régime, l'illusion de cette société de pacotille se fend, et les personnages se retrouvent face à un abîme, où tout idéal disparaît, avant d'y sombrer effectivement, avec ce régime, dans la Guerre.

Considérée comme "décadente" par les nazis, l'écriture de J. Roth m'a semblé au contraire assez "classique". J'y ai trouvé des longueurs, comme dans les romans-fleuves de Flaubert, Proust ou Balzac. Mais par son thème et le traitement psychologique des personnages, je le situerais autant stylistiquement que géographiquement -ce qui n'est sans doute pas un hasard- entre le Désert des Tartares du vénète D. Buzzati et la veine slave de Dostoïevski. Enfin, le déracinement de J. Roth est omniprésent dans son roman, ce qui le rapproche rapproche de Kafka, autre auteur de langue allemande mais à l'âme slave, juive, multiculturelle par obligation, caractéristique des écrivains de cette Europe de l'Est "explosée" par L Histoire en ce début de XXème siècle.

Du rapport avec D. Buzzati et Kafka on retiendra l'amertume et le cynisme qui transparaissent dans "'l'observation" des personnages. Passifs, prisonniers de leurs rôles sociaux, ceux-ci paraissent en effet plus observés par le journaliste J. Roth, que réellement mis en scène. Ses personnages, sans se l'avouer, s'ennuient, désespèrent, luttent en vain pour exister. L'affection de l'auteur pour sa patrie multiculturelle et ses personnages inspirés de son vécu est sensible, mais il met cependant une distance, comme pour se protéger de sombrer lui aussi dans l'inertie et la déliquescence. L'armée et la bureaucratie semblent les seuls remparts, bien fragiles, d'un empire finissant, autour du culte d'un Empereur omniprésent, mais en réalité simple icône désincarnée.

A certains égards, on peut aussi rapprocher J. Roth de Dostoïevski, par son questionnement sur l'identité nationale, et par le ton : derrière la description aseptisée les personnages bouillonnent à l'intérieur, dans leur inconscient profond, leurs gènes. Les personnages de J. Roth, "enrôlés" dans l'opérette autro-hongroise mais puisant leurs racines juives et slaves dans les campagnes de Galicie sont, au même titre que leurs cousins russes, cet "homme de trop" pour l'Europe, dont parlait Tourgueniev, déchiré entre l'orient et l'occident.

Malgré ces richesses, je n'ai retrouvé chez J. Roth ni la force De Balzac ou Dostoïevski, ni le surréalisme de Buzzatti, ni l'absurde métallique de Kafka, qui ont fait de ces lectures un plaisir à 4 ou 5 étoiles. La lecture de ce roman m'a intéressé, mais pas passionné ; comme je l'ai lu dans un article de M-F Demet, J. Roth reste donc pour moi un "auteur marginal", enrichissant mais pas incontournable. Je remercie néanmoins les amis babeliotes qui me l'ont fait connaître.
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