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Critique de Etsionbouquinait


« … tout cela, c'était « mon pays », quelque chose de plus fort qu'une patrie pure et simple, quelque chose de vaste et de divers, mais néanmoins de familier : mon pays ». Ainsi s'exprime François-Ferdinand Trotta dans La crypte des capucins. Ecrit par Joseph Roth en 1938, dans son exil parisien, et un an avant sa mort, ce livre donne la parole au narrateur, qui nous raconte ce que fut sa vie de 1914 à 1938, dans les décombres de l'Autriche-Hongrie.

Journaliste et écrivain autrichien, né en Galicie dans une famille juive allemande, Joseph Roth fait partie des auteurs majeurs de langue allemande, et c'est donc avec plaisir que je l'inclus pour la première fois dans notre série Les feuilles allemandes. Ses premières sympathies vont d'abord aux idées sociales, mais après la chute de l'Autriche-Hongrie, on assiste à une sorte d'idéalisation de l'Empire déchu dans ses oeuvres. Dans « La marche de Radetzki », une branche de la famille Trotta est anoblie après que l'un de ses membres eut sauvé l'empereur François-Joseph de la mort à Solferino. Même si ce roman décrit le déclin de cette famille et surtout celui de l'Empire, il débute néanmoins par un fait d'armes valeureux, et son titre évoque la marche triomphante écrite par Johann Strauss père pour célébrer la victoire du maréchal éponyme contre les Piémontais en 1848 (pour le plaisir, je vous invite à écouter ce morceau joué lors du traditionnel Concert du Nouvel, sous la baguette de Georges Prêtre, en 2010).

Dans « La crypte des capucins » (dont le seul titre évoque le lieu où reposent les défunts de la famille Habsbourg), la tonalité est d'emblée tout autre. François-Ferdinand Trotta est un parent de la branche Trotta anoblie (son grand-père était le frère du « héros de Solferino »). Il est certes encore un jeune homme plein d'allant, quand il débute son récit en 1914, à la veille de la mobilisation, dans l'insouciance qui était la sienne à l'époque.

Bourgeois, ouvert d'esprit, il est aussi à l'aise avec ses camarades qu'avec les gens du peuple, à l'image de ce cousin, Joseph Branco Trotta, paysan qui parcourt les terres de la Monarchie pour vendre ses marrons. Il épouse rapidement Elizabeth, puis part à la guerre, dont il reviendra sain et sauf. « le monde d'hier » est désormais bien révolu. La famille Trotta, après avoir fait des placements dans des emprunts de guerre, est quasiment ruinée ; leur maison devient même une pension. Il en est de même pour les compagnons de Trotta.

La nostalgie de l'Autriche-Hongrie est palpable, non seulement pour ces classes privilégiées, mais aussi pour le petit peuple. La pauvreté généralisée, l'instabilité, la nécessité d'avoir un passeport pour se rendre dans les anciennes régions de l'Empire, tout cela est bien présent. Il nous montre aussi à quel point les « régions périphériques » de l'Empire irriguaient Vienne et l'Autriche ; lorsque, à la fin du livre, François-Ferdinand apprend le renversement du gouvernement (1938), son réflexe sera d'aller se recueillir devant le cercueil de l'Empereur François-Joseph. J'ai été charmé par l'écriture de Joseph Roth qui sait si bien nous restituer les pensées de Trotta.
En résumé, une très bonne lecture que je vous conseille !

Lien : https://etsionbouquinait.com..
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