Ainsi, je pouvais manifester ou signer des pétitions pour la défense des droits des femmes et supporter dans la sphère intime ce qui paraissait inacceptable. Ainsi, comme tant d'autres, il n'y avait pas de correspondance entre le monde de l'intellect et mes affects. Avant toi, j'aurais juré que ça n'arriverait pas. Que cela supposait une disposition d'esprit, un tempérament, une histoire particulière. C'était avant de le vivre. Aujourd’hui, je sais que ça arrive. Un point c'est tout. Et qu'alors, on devient victime de la violence qu'on s'inflige à soi-même au nom de l'amour. Que ce mot de victime n'est pas un gros mot, pas un étendard ou une infamie, il est avant tout une qualification posée sur un état de fait.
Comment ai-je pu lui infliger, m'infliger pareille limite ? Me punir.
notre amour narcissique et destructeur, un narcotique puissant contre lequel je ne possédais pas l'antidote. La passion, une drogue plus forte que les déceptions, les rêves, les promesses, l'orgueil et les blessures. Addiction rapide. Cure de désintox inutiles. Rechutes à répétition.
Une femme qui ne s’arrachait pas à l’homme qui l’avait meurtrie ni n’arrivait à lui pardonner, une femme qui se complaisait dans son malheur.
Avec toi, l’amour c’était un peu comme le loto, je n’avais jamais la combinaison gagnante mais je m’évertuais à jouer.
Au fond, n’est-ce pas le propre de l’amour que de voyager à travers l’inconnu, s’extraire de ses représentations pour se confronter à l’altérité, explorer un territoire mystérieux, aborder d’autres rivages ? Cette aventure humaine, je voulais la tenter en toute liberté. Au nom de la liberté et de l’amour, je m’emprisonnais.
J’appartenais à la douleur exclusivement. Elle était ma langue, ma patrie. Je la parlais, je l’habitais nuit et jour. Elle me tenaillait, me tenait éveillée, m’extirpait du sommeil les rares fois où je tombais d’épuisement.
La première fois que je t'ai vu, rien. Aucune inclination amoureuse, attirance, regards qui en disent long, tressaillement, accélération du rythme cardiaque, aucun signe ne pouvait nous laisser penser à cet instant, ni d'ailleurs quelques semaines plus tard, qu'un amour allait naitre de notre rencontre, encore moins que cet amour occuperait notre vie au point qu'elle n'en serait plus une véritable, morcelée, incendiée, dédoublée, que chacune de nos existences s'en trouverait bouleversée par cette sorte d'amour qui nous serait tout. L'amour fou. [...]
Huit ans d'un amour fou devenu malade.
Huit ans à la dérive.
J’étais revenue dans le giron de ma mère, de ma grand-mère. Des femmes de ma famille qui avaient oscillé entre devoir et amour, avaient souffert des homme. J’avais fait allégeance à leur douleur
J’avais enfilé l’habit de tragédienne. J’étais toutes les femmes et toutes les douleurs. Médée, Andromaque, Phèdre ou Bérénice. Mes sœurs. J’étais une héroïne, toutes les femmes trahies. Bannies, bafouée, en disgrâce, piégée au cœur d’une scène archaïque. J’étais captive de la douleur et j’existais par elle désormais.