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Critique de ahasverus


En 1989, des Américains-lambda portaient des badges "JE SUIS SALMAN RUSHDIE" ; en 2015, des Français-lambda portaient des tee-shirt "JE SUIS CHARLIE". Décidément l'histoire n'a aucune imagination.

Entre 1989 et 2015 venait se caler le onze septembre. Il suffit actuellement de dire le onze septembre et l'on n'a plus à préciser ni le siècle, ni l'année parce que ce jour-là on a dit que ça ne serait jamais plus comme avant. On avait tort ! La fois d'après était comme la fois d'avant, elle-même déjà comme sa fois d'avant, elle-même déjà etc. le tout avec quelques variantes pour la forme : un peu d'inventivité dans l'horreur, dans l'arme, dans la cible, dans la nationalité et dans le décompte des victimes, dans le nombre du ou des bourreaux... Mais dans le fond rien n'a changé : c'est toujours, toujours, toujours la même histoire ! Toujours la même chanson ! Toujours le même combat entre la liberté et l'intolérance !

Ce bras de fer, Salman Rushdie en a été l'acteur à l'occasion de la publication de ses Versets Sataniques en 1988. Il l'a raconté à son fils Zafar dans son livre pour enfants, où il imaginait une princesse aux lèvres cousues et des créatures inquiétantes qui étouffaient le génie de la création, Haroun et la Mer des Histoires.

Ce combat contre le culte du silence, il nous le raconte, à nous les adultes, au travers de Joseph Anton. Il en appelle à Orange Mécanique, à Alice au Pays des Merveilles, à 1984 et à sa chambre 101, ainsi qu' aux Oiseaux d'Alfred Hitchcock pour illustrer son propos et frapper notre imaginaire.

Joseph Anton est la biographie d'un homme caché, mais d'un homme debout. Menacé de mort après la publication des Versets Sataniques pour cause de blasphème, Rushdie a vu le monde en général et en particulier changer autour de lui.

Rédigé à la troisième personne du singulier, l'autobiographie dit par le menu les années de clandestinité d'un homme imparfait mais déterminé à vivre libre et à s'exprimer. Avec talent et lenteur, Rushdie raconte le particulier et le général. Au-delà de l'autobiographie et de quelques pointes d'humour, il pose des questions et livre ses réflexions sur l'islam, sur la terreur et ses mécanismes. Si l'ennui est inévitable au fil des 900 pages du récit, on retient surtout la pertinence des observations de l'auteur, qui sont malheureusement d'une actualité brûlante. Salman Rushdie est un écrivain qui se mérite. Il écrit des pavés, mais ces pavés sont luisants. Il fait partie des grands du monde contemporain de la littérature, peut-être des futurs classiques. En attendant c'est sur le présent et sur notre position d'équilibre que ce livre apporte un éclairage saisissant qui nous invite à choisir entre liberté et obscurantisme.

En réponse aux Versets Sataniques fut créé le film pakistanais International Gorillay, mémorable nanar de 1990 dans lequel Salman Rushdie et le méchant Batu-Batu cherchent à provoquer la chute du Pakistan. Rushdie, après 2 heures 45 de film et un combat épique, y est foudroyé par des Corans volants. Ce film, manqua d'être censuré en GB. C'eut été dommage : la liberté d'expression doit répondre à la liberté d'expression et cette mise à mort cinématographico-divine, Salman Rushdie l'a bien cherchée !

Je conclurai par cette pensée réconfortante de Caroline Fourest : Qu'est-ce qu'ils sont cons ces intégristes. Ils voulaient vous faire taire. Ils ont abonné le monde à Charlie Hebdo.
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