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Citations sur Le Couteau : Réflexions suite à une tentative d'assassinat (55)

Traiter d’une attaque meurtrière est une chose que je ne sais pas faire. Transformer ceci en cela en fait une chose que je suis capable d’assumer. C’est du moins la théorie. Un livre sur une tentative d’assassinat devient pour le presque-assassiné le moyen de reprendre le contrôle sur l’événement.
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Milan Kundera, qui est mort pendant que j’écrivais ce livre, pensait que la vie est un voyage à sens unique. Vous ne pouvez pas changer ce qui s’est produit. Pas de seconde ébauche. C’est ce qu’il entendait par « l’insupportable légèreté de l’être » qui, me dit-il un jour, aurait pu être le titre de chacun des livres qu’il avait écrits – ce qui pouvait aussi bien être libérateur qu’insupportable. J’ai toujours approuvé cette idée mais l’attaque du 12 août m’a fait changer d’avis. Tandis que je guérissais de mes blessures tant physiques que psychologiques, je ne savais pas si je sortirais plus fort de cette expérience. J’étais juste heureux d’en sortir vivant. Plus fort ou plus faible, il était trop tôt pour le dire. Ce dont j’étais convaincu, en revanche, c’était que, grâce à la conjonction de la chance, de l’habileté des chirurgiens et de soins attentionnés, on m’avait accordé une seconde chance. J’obtenais ce que Kundera pensait impossible, une vie de rattrapage. J’avais déjoué toutes les prévisions. Une question se posait à présent : quand on vous donne une deuxième chance, qu’est-ce que vous en faites ? Quel usage en faites-vous ? Qu’allez-vous faire de la même façon ? Qu’allez-vous faire différemment ?
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(…) l’art défie l’orthodoxie. Le rejeter ou le vilipender pour ce qu’il est c’est ne pas comprendre sa nature. L’art place la vision personnelle de l’artiste en opposition aux idées reçues de son temps. L’art sait que les idées reçues sont ses ennemis, comme l’a dit Flaubert dans Bouvard et Pécuchet. Les clichés sont des idées reçues et, à ce titre, des idéologies, que les unes et les autres dépendent de la sanction d’invisibles dieux célestes ou pas. Sans l’art, notre capacité à réfléchir, à avoir une vision neuve des choses, et à renouveler notre monde dépérirait et serait condamnée à mourir.
L’art n’est pas un luxe. C’est l’essence même de notre humanité et il n’exige aucune protection particulière si ce n’est le droit d’exister.
Il peut être mis en cause, critiqué et même rejeté. Il n’accepte pas la violence.
Et en fin de compte, il survit à ceux qui l’oppriment. Le poète Ovide a été exilé par César Auguste mais la poésie d’Ovide a survécu à l’Empire romain. La vie du poète Mandelstam a été ruinée par Joseph Staline mais sa poésie a survécu à l’Union soviétique. Le poète Lorca a été assassiné par les brutes du général Franco mais son art a survécu au fascisme de la Phalange.
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Dans The Faith of a Nationalist, Bertrand Russell dit ceci : “Les gens tendent à aligner leurs croyances avec leurs passions. Les hommes cruels croient en un dieu cruel et prennent prétexte de leurs croyances pour excuser leur cruauté. Tandis que les bonnes personnes croient en un dieu de bonté, et elles auraient été bonnes de toute façon.” Cela paraît convaincant, mais dans votre cas, mon cher A., ce n’est pas tout à fait pertinent. Quel âge aviez-vous quand vous êtes allé voir votre père au Liban ? Dix-neuf ans ? Un garçon solitaire qui avait vécu sans père pendant la plus grande partie de sa vie, un garçon avec un vide en lui, facile à influencer, facile à modeler et à la recherche d’une voie et d’un modèle, mais pas un garçon cruel. Un “brave garçon qui a bon cœur et n’aurait fait de mal à personne”. Et donc la question se pose : un tel enfant, à peine adulte, peut-il se voir enseigner la cruauté ? La cruauté était-elle déjà en lui, dans quelque recoin intime, attendant les mots qui allaient la libérer ? Ou a-t-elle pu être véritablement semée dans le sol vierge de votre caractère pas encore formé, y prendre racine et s’épanouir ? Ceux qui vous connaissaient ont été surpris de votre geste. Le meurtrier en vous n’avait pas encore montré son visage. Ce sol vierge a eu besoin de quatre années d’Imam Yutubi pour devenir ce qu’il est, ce que vous êtes devenu.
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Ma victoire c’était de vivre. Mais le sens que le couteau a donné à ma vie était ma défaite.
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Tant que je n’aurais pas affronté l’attaque, je ne pourrais rien écrire d’autre. Je compris qu’il fallait que j’écrive le livre que vous êtes en train de lire avant de pouvoir passer à autre chose. Écrire serait pour moi une façon de m’approprier cette histoire, de la prendre en charge, de la faire mienne, refusant d’être une simple victime. J’allais répondre à la violence par l’art.
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Si vous redoutez les conséquences de ce que vous dites, vous n’êtes pas libre.
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La vraie folie c’est de regretter ce que l’on a fait de sa vie, me suis-je dit, parce que la personne qui regrette a été façonnée par la vie qu’elle en vient, par la suite, à regretter.
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Le langage aussi était un couteau, capable d’ouvrir le monde, d’en révéler le sens, les mécanismes internes, les secrets, les vérités. Il pouvait trancher dans une réalité pour passer dans une autre. Il pouvait dénoncer la bêtise, ouvrir les yeux des gens, créer de la beauté. Le langage était mon couteau. Si j’étais pris à l’improviste dans une attaque au couteau que je n’avais pas souhaitée, peut-être était-ce là le couteau que j’allais utiliser pour riposter. Ce pouvait être l’outil dont j’allais me servir pour refaire et retrouver mon monde, pour reconstruire le cadre dans lequel mon image du monde pourrait une fois de plus être accrochée sur mon mur, pour prendre en charge ce qui m’était arrivé, pour me l’approprier, le faire mien.
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Il est arrivé une chose étrange à la notion de vie privée, par les temps surprenants que nous vivons. Au lieu d’être chèrement aimée il semble qu’elle soit devenue pour beaucoup d’Occidentaux, particulièrement des jeunes, une qualité sans valeur et même indésirable. Si une chose n’est pas rendue publique elle n’existe pas vraiment. Votre chien, votre mariage, votre plage, votre bébé, votre dîner, le mème intéressant que vous avez vu récemment, toutes ces choses doivent nécessairement être quotidiennement partagées.
En Inde, la vie privée est un luxe réservé aux riches. Les pauvres, qui vivent dans des lieux étroits et surpeuplés, ne sont jamais seuls. Beaucoup d’Indiens misérables doivent accomplir leurs gestes les plus intimes, comme satisfaire leurs besoins naturels, en plein air. Pour avoir une pièce à soi, il faut avoir de l’argent. (Je ne pense pas que Virginia Woolf se soit jamais rendue en Inde mais sa réflexion reste valable, même là-bas, même pour les hommes.)
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