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Critique de Bartzella


Les Éditions Gallmeister sont terriblement plaisantes à lire, elles ont un je-ne-sais-quoi d'unique et c'est grâce à Babelio si je les ai découvertes. Cette fois-ci, avec « Idaho », j'ai été malheureusement un peu déçue. Emily Ruskovich écrit pourtant merveilleusement bien, la qualité du texte n'est pas le problème, mais j'en ai perdu des bouts durant ma lecture.

On aborde ici le sujet de la démence précoce.

« Tout cet amour, tous ces sentiments, toute cette peine, accrochés à rien, à un chaos redoutable, insaisissable. La future perte de son esprit devient le nouveau fondement de sa vie; il ressent déjà la perte des choses qu'il aime, et se rend compte qu'il cherche un moyen, n'importe lequel, de les retenir. »

Wade et Jenny Mitchell sont les jeunes parents de deux fillettes, June (neuf ans) et May (six ans). Ils vivent éloignés de tout sur la montagne, en plein coeur de la nature, entourés d'animaux, et forment une famille simple et heureuse. Quelque chose d'inattendu se produira en 1995 qui déchirera la famille. Plusieurs années plus tard, Wade rencontrera Ann, professeure de piano, et ils se marieront. Celle-ci sera obsédée par la famille que Wade a eue avant elle, puis tentera de comprendre leur vie, la chronologie des événements avant et après l'incident, parmi ceux qu'elle sait, car Wade ne parle jamais de cette famille ni ne dévoile ses sentiments. En même temps, il a déjà commencé à sombrer dans l'oubli alors pour Ann aussi la vie ne sera plus la même.

Ann est le personnage fort de l'histoire. Celle envers qui nous ressentons le plus de compassion. Personnellement, c'est peut-être le seul personnage que j'ai apprécié. Ses sentiments à elle sont bien exposés et on voit que son amour est sans limites pour son époux, envers et contre tout. C'est une personne de coeur, qui ne juge pas.

« Ses impressions et les liens qu'elle a établis sont fragiles, bien qu'étonnamment son mariage ne le soit pas. Son mariage avec Wade est sain et solide, composé de tant de fragments brisés recouvrant tant d'autres fragments brisés qu'il n'y a plus moyen de se frayer un passage entre eux. Elle l'aime. Oh, qu'est-ce qu'elle l'aime ! »

« La maladie de Wade est un mystère. Pas une seule fois il n'a oublié son nom, mais quand elle lui brosse les dents et que la mousse dégouline de sa bouche, quand elle lui déboucle sa ceinture devant la cuvette des W.-C. bien qu'il soit déjà trop tard, quand elle lui crie d'arrêter de chercher les piles de la lampe torche alors qu'il la serre dans sa main, allumée, le faisceau balayant les murs sombres en pleine nuit, elle se demande comment elle va pouvoir tenir. »

J'ai aimé l'histoire à moitié.
Pour commencer, celle-ci ne cesse d'aller et venir dans le temps. Il n'est pas rare de voir cela. Cependant, on joue constamment à saute-moutons avec les dates et les personnages. On passe de 1985 à 2025, le tout alternant entre 2008, retour en arrière en 1995, puis en 2002, retour en 1973, puis 2004, et ainsi de suite. Cela devient écrasant, ennuyeux, ces allers-retours, à la longue. Trop d'époques mélangées créent un détachement.

Puis, il y a des personnages qui n'apportent absolument rien à l'histoire (pensons à Eliot, William et Beth puis, Elizabeth et sa codétenue Sylvia), on se demande franchement quelle place ils ont à surgir n'importe où comme ça dans le texte. On se creuse les méninges pour comprendre leur rapport avec les autres car honnêtement, excepté pour le cas d'Elizabeth, je ne vois pas du tout.

Aussi, certains comportements des personnages qui n'ont aucun lien avec la maladie de Wade sont difficiles à suivre. le lien amour-haine qui unit les deux petites soeurs, May et June et comment elles interagissent l'une envers l'autre, celui d'Elizabeth en prison avec sa compagne de cellule Sylvia. Leurs agissements sont incompréhensibles et dépourvus de logique. Ce sont des personnages que je n'ai ni cernés, ni aimés. Quant à la nature de l'incident de 1995, je ne l'ai pas vraiment compris non plus. le comment oui, mais le pourquoi non. Tout cela reste un peu flou et étrange. Certains aspects sont trop mis en lumière, d'autres pas assez.

Toutefois, le sujet de la démence précoce et de ses effets sur la famille directe est intéressant et bien abordé, la plume est délicate et bien maniée, l'atmosphère mélancolique et le sentiment de solitude sont bien ressentis et le décor naturel est un enchantement. Il y a quand même plusieurs aspects positifs pour l'autre moitié du roman.

« Elle sent les ténèbres s'approcher de lui, de plus en plus près. Mais pas aujourd'hui. Aujourd'hui, c'est une des rares journées où Wade semble se souvenir de quelque chose de vital, ou, à défaut de s'en souvenir, sentir sa présence. Il semble calme, familier de cette route, habitué à ses bosses et à ses nids-de-poule, joyeux de respirer l'air froid automnal. Il sourit vaguement tandis qu'ils roulent à travers les hautes ombres des pins tordus. Ce sourire est distant, distrait, mais très réel, très sincère. »

« C'est la texture de ses souvenirs, non pas l'émotion, qui a disparu. Lentement, les choses se mélangent, les lignes se brouillent, les lieux se vident d'impressions. Pourtant, il y a encore un centre, une date, un moment autour duquel gravite ce flou. Parfois, il se rappelle tout. »

Sans les points négatifs mentionnés plus haut, je pense que le roman (déjà relativement court) aurait pu être coupé de moitié et être bien meilleur sans rien enlever à sa compréhension totale et à sa qualité de base. Bref, je passe pour cette fois-ci mais retenterais sans doute le coup pour un autre roman de cette autrice.

CHALLENGE PLUMES FÉMININES
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