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Critique de si-bemol


De Karen Blixen (1885-1962), nombreux sont ceux qui avaient oublié l'existence et l'oeuvre… jusqu'à la magnifique adaptation à l'écran par Sydney Pollack en 1985 de son roman autobiographique : « Out of Africa » - traduit en français par « La Ferme africaine ». Succès planétaire pour ce film qui met en scène Robert Redford, Klaus Maria Brandauer et – dans le rôle de Karen Blixen – une Meryl Streep à l'apogée de son talent. Personne n'a oublié, je crois, les paysages somptueux, les kikuyus, les chants massaï, la musique de John Barry et celle de Mozart, les désillusions et les drames, ni la romance tragique entre les deux amants qui vaudront immédiatement à la Baronne – de son nom de plume Isak Dienesen – et à son oeuvre un immense regain d'intérêt.

Dominique de Saint Pern prend prétexte de la préparation de ce film et de la nécessité où elle imagine que se trouve alors Meryl Streep d'enquêter plus avant sur l'héroïne qu'elle incarne pour introduire dans son roman une narratrice, Clara Svendsen : celle qui fut pendant presque vingt ans la secrétaire et la dame de compagnie autant que le souffre-douleur de Karen Blixen, dont elle devint l'exécutrice testamentaire. Par ce petit tour de passe-passe littéraire, elle nous ouvre les portes de l'existence tumultueuse et tourmentée de « la Baronne », de son tempérament passionné, volcanique et intransigeant, de sa personnalité complexe, exclusive et parfois cruelle, de son imaginaire aussi et de son écriture.

Nous l'accompagnons dans ses voyages, dans ses amours, dans ses paradoxes et dans sa fantaisie, et elle nous fait cortège, cette femme fière et singulière à la liberté exigeante et hautaine, rongée par la souffrance, la maladie et la solitude ; nous l'escortons au coeur de la brousse, dans sa maison de Rungstedlund, à New-York ou à Londres, jusque dans l'intimité de son travail et de son écriture – elle qui fut longtemps pressentie pour un Prix Nobel de Littérature qu'elle n'obtiendra jamais et qui connaîtra la gloire avant de sombrer dans un provisoire oubli.

Le texte est beau, les psychologies finement analysées, la construction habile. Dominique de Saint Pern est à l'évidence entrée en empathie avec cette Baronne qu'elle sait nous rendre proche et presque familière sans pour autant sacrifier à l'hagiographie ni rien dissimuler des aspérités de son caractère, et elle nous offre avec ce récit sensible et très documenté le portrait d'une femme et d'un écrivain hors du commun dont l'oeuvre de haute stature – « Out of Africa », bien sûr, mais également les « Contes d'hiver » ou les « Sept Contes gothiques » - a su conquérir aujourd'hui une place de choix dans la littérature.

Un bon moment de lecture qui donne envie de lire - ou de relire - l'oeuvre de Blixen et fait revivre pour le lecteur, l'espace de quelques heures, l'esprit rebelle de cette femme indomptable, excessive et flamboyante, à qui « en échange de son âme, Satan avait promis que tout ce qu'elle vivrait deviendrait une histoire ».
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