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Critique de argali


argali
01 septembre 2015
Je découvre ici François Saintonge -n'ayant pas lu « Dolfi et Marylin » son précédent roman- mystérieux auteur connu, se cachant derrière ce pseudonyme. J'ignore qui il est mais son érudition est indéniable de même que ses connaissances historiques.

Le récit commence en 1917 à Paris et se termine en 1941 à Londres. Max, le personnage central, est l'essence même du bourgeois dilettante, un fils unique surprotégé, un embusqué qui se complait à la Maison de la Presse alors que la guerre fait rage. Il n'a pas choisi de fuir son devoir mais ne s'y est pas opposé non plus. Vexé par une caricature anonyme qui lui a été envoyée où on le traite vulgairement de lâche, il se laissera convaincre par son oncle de faire son devoir et sera envoyé sur le front d'Orient d'où il reviendra borgne. Il n'en tirera aucune gloire, aucune satisfaction du devoir accompli, plutôt un soulagement d'être devenu comme tout le monde. Alors que son cousin Léo se lance dans une carrière politique au lendemain de la guerre, Max ouvrira sans grand enthousiasme, une galerie d'art baptisée « Les Survenants » qui, contre toute attente, marchera très bien. « Distraitement patriote, mollement démocrate, machinalement humaniste, tel est Max. »

Outre le récit de l'amitié entre Max, Léo et Lothaire, leur ami handicapé, le roman fait la part belle à la relation épisodique que Max entretient avec Dionnée Bennett pendant plus de vingt ans, une jeune femme indépendante et libre, engagée, tout son contraire mais qui lui ressemble étrangement. On n'aura de cesse de connaitre le mystère de cette ressemblance quasi gémellaire.

Ce roman d'amitié et d'amour se déroule des derniers soubresauts de la Grande Guerre jusqu'au dénouement à Londres durant le Blitz. A travers ce quatuor, ce roman nous permet de saisir l'esprit d'une époque. Loin des tranchées et des combats, la première partie nous immerge dans le quotidien des nantis, de ceux qui n'ont pas été mobilisés et vivent à Paris comme si la guerre n'existait pas. Loin du feu, Max mais aussi Cocteau, Giraudoux, Halévy, Morand... de brillants intellectuels auscultent l'opinion publique internationale en dépouillant la presse étrangère. Cocktails, diners mondains, premières et vernissages, ces plaisirs de l'arrière égalent pour eux l'agrément qu'on peut éprouver à risquer sa vie sans la perdre. D'ailleurs manger, boire, s'amuser, n'est-ce pas le métier des vivants ?

François Saintonge nous conte ensuite la France d'entre deux guerres : les tiraillements politiques, les conflits internationaux de Salonique à Madrid en passant par Saigon, l'essor culturel littéraire et pictural (Oscar de Lubicz-Milosz, André Breton, Masson, Miro, Picabia...) la marche des Croix de Feu, le scandale du journal le Temps... Une vingtaine d'années sont brossées à larges traits nous donnant à voir la vie des classes dirigeantes, à cent lieues des préoccupations de la classe ouvrière.

Mêlant romanesque, aventure et histoire, ce récit se lit aisément. J'ai apprécié la langue soutenue et recherchée dans laquelle s'exprime l'auteur, un peu moins le rythme stylistique, un peu trop saccadé à mon goût. J'ai davantage apprécié le côté historique du récit -qui n'est pas, comme tant d'autres, un simple décor dans lequel les personnages pensent et agissent comme nous le ferions- que l'aspect romanesque. Ne vous lancez pas dans cette lecture pour y découvrir une grande histoire d'amour, vous seriez déçus. Elle fait partie du récit mais « le métier de vivant » est plutôt une fresque historique critique et c'est en cela qu'il est intéressant.
Je vous le recommande.


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