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Citations sur Sibir. Moscou-Vladivostok, mai-juin 2010 (29)

Est-ce qu’en Russie on ne ressentirait pas plus vivement qu’ailleurs ce que nous ressentons tous, aujourd’hui, cette crise « pas seulement au niveau matériel mais au niveau humain » ? J’y pense souvent, de façon parfois obsédante. Des conditions inédites de développement, de sécurité, de santé, de bonheur même nous sont données, dans les pays développés évidemment : mais nous sentons en même temps que quelque chose ne va pas « au niveau humain ». Qu’il est peut-être en train de se passer en ce moment dans l’histoire du monde quelque chose de terrible, dont nous ne prenons conscience que partiellement. Une destruction très profonde, grave, dangereuse, qui affecte en nous cette fibre par laquelle nous pouvions faire passer de l’un à l’autre des sentiments essentiels, la pitié, la compassion, la compréhension. Une atrophie de ces capteurs d’humanité, en somme, dont les hommes ont besoin pour survivre. Ces dispositions fondamentales, la nécessité les avait forgées, car nul ne pouvait y survivre sans la solidarité, l’attention aux autres ; dans des sociétés où la liberté, le confort, la sécurité sont à peu près assurés, on croit qu’on en a plus besoin. C’est faux : on meurt de leur absence.
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Ce qui m’importe à moi, c’est de bien faire comprendre que l’écrivain n’est pas un être d’exception. Sa vie importe moins que ses livres. Comme le disait récemment Javier Cercas, dans une rencontre où j’étais avec lui, « si l’écrivain est plus intéressant que son œuvre, alors ce n’est pas un bon écrivain ». Ecrire, ce n’est pas un don, ou une supériorité, c’est un état d’attention au monde – et par monde j’entends aussi es livres, et les morts.
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Ces beaux chants de soldats, qui ne sont pas de la musique militaire, mais exactement l’inverse : ce qui reste d’humain et de fort dans le soldat quand une guerre inhumaine fait rage.
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Chaque voyage déborde et déteint sur le précédent, mais cette confusion ne me gêne pas, elle aide à donner le sentiment juste, sinon exact, de ce qu’est pour moi « la Russie » : quelque chose que je récris sans cesse, comme tous les autres moments de ma vie.
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Malgré la bonne volonté et la compétence de nos guides, ce qu’on aura le temps de nous en dire sera forcément insuffisant, et c’est inévitable, il aurait fallu travailler davantage avant le départ, apporter des livres, de la documentation … Mais, je le sais aussi : ce qui me tourmente durant le voyage, sans jamais en gâcher le bonheur parfait, trouvera sa résolution plusieurs mois après, je l’ai déjà vécu et pratiqué. Je sais qu’une expérience m’attend, la plus haute que pour ma part je puisse connaitre, et vers quoi probablement tend toute ma vie : cette forme de connaissance du monde qu’on atteint lorsqu’au temps du voyage vécu succède le temps du voyage dans les livres et qu’on entreprend le récit de leur double et réciproque mouvement d’approfondissement.
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Des jeunes filles en costume traditionnel, présentant le pain et le sel, des sourires, des visages roses de joie : notre visite est un événement. Tout le monde ici a fait un effort de toilette, beaucoup de blouses de taffetas, de costumes tailleurs.
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Rien ne peut mieux nous faire comprendre ce qu’il fallait de courage, de force, pour reconstituer un salon de culture pétersbourgeois –européen- dans ces solitudes glacées, à 6000 km de la capitale. Un cercle d’idées, de poésie, de musique après les années effroyables dans des geôles ou des isbas enfumées, malpropres et glaciales, parmi les Cosaques et les colons russes, non loin des yourtes bouriates ! … Il m’apparait de plus en plus clairement, dans la maison des décembristes, que la Sibérie est un « front », une « frontière » mouvante, progressive, de la présence européenne. Et cette fois, ce n’est pas un front de guerre, de conquête et de colonisation forcée, c’est la greffe sur un sol étranger des idées libérales venues d’Europe – la culture, la musique et les livres. L’exil ici se retourne en liberté. C’est un défi au pouvoir, un triomphe complet sur ce tyran brutal qu’on appelait le « passe-bonheur » tant il était violent et cruel. Dans ce refuge, entre ces murs tendus de tissu clair, un piano, des tableaux, une femme chante. Dehors, à défaut de la totale émancipation qu’on a rêvée pour eux, on apporte à ces paysans un peu de médecine, on apprend à lire à leurs enfants. Triomphe dans ces solitudes d’une Europe qui n’est pas l’Europe conquérante ou colonisatrice, mais l’Europe des Lumières, concrétisation du rêve chimérique qui a soulevé la jeunesse de ces nobles exilés.
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Partout, donc, l’Europe : conquérante, colonisatrice, civilisatrice ? Sauf quelques heures à Ivolguinsk, on ne la quitte pas. On ne peut pas la quitter : le train la pousse devant lui, dans sa lente progression vers l’Est.
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Russie d’Europe, Russie d’Asie, je vois de moins en moins la différence.
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De nouveau la steppe et des villages presque abandonnés. Je replonge dans les obsessions favorites : la mort des villages, et plus généralement de la campagne, n’est-elle pas aussi la fin d’une civilisation, d’une manière de vivre, de parler, de penser ?
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