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Critique de fanfanouche24


Une lecture aussi tonitruante qu'exaspérante à souhait... car le style de Lydie Salvayre ne fait pas dans la dentelle, railleuse, coléreuse, injuste...
mais avec aussi une foule de réflexions, remises en cause passionnantes
sur les mondes de la culture et de l'art....

Une réflexion que l'on ne peut ignorer : L'Art, ... acte gratuit ou spéculatif selon les uns et les autres... C'est quoi le bon goût en art, c'est ce que les spécialistes nous enseignent ou ce que nous aimons spontanément ?!...

Sa passion pour l'oeuvre de Giacometti, l'Homme qui marche"...
provoque chez l'auteure moult questionnements et émotions... Ce qui entraîne mille digressions sur le monde, la société, la politique, la marche du monde... ainsi que des souvenirs de jeunesse douloureux...
Mais on sent une admiration sans bornes pour l'oeuvre et la personnalité
de Giacometti !!
Des références aux auteurs qu'elle admire [Baudelaire,Rilke, etc. ]


"Je nourrissais depuis longtemps une passion pour -L'Homme qui marche- de Giacometti.L'Homme qui marche, que je n'avais jamais vu que reproduit sur du papier glacé,me semblait constituer l'oeuvre au monde qui disait le plus justement et de la façon la plus poignante ce qu'il en était de notre condition humaine : notre infinie solitude et notre infinie vulnérabilité, mais, en dépit de celles-ci, notre entêtement à persévérer contre toute raison dans le vivre."(p.17)

De très beaux passages sur cette sculpture de Giacometti, "L'Homme qui marche"..., hautement symbolique... Pourtant Lydie Salvayre va longuement hésiter avant de répondre positivement à une proposition insolite : celle de passer une nuit au Musée Picasso, lors d'une exposition mettant en parallèle les oeuvres de Picasso et celles de Giacometti...

Lydie Salvayre se décidera... et cette longue nuit solitaire au musée... provoquera les réactions, émotions, confidences les plus extrêmes ainsi que les réflexions les plus mordantes sur le milieu artistique et ses institutions; tout cela dans un langage virulent... accompagnée de forts nombreuses allitérations... comme dans une volonté de marteler ce qui fait sortir l'auteure de ses gongs, ou souligner des émotions plus violentes , qui l'a propulse dans le passé, entre un père terrifiant, et une mère qui "baraguine" un français mâtiné d'espagnol..., comme elle dit "le fragnol" maternel!!

Une défiance très intense vis à vis de l'Art et de la Culture, elle , la pauvre petite fille d'émigrée, qui ne sent pas à sa place dans certains milieux culturels, qui excluent socialement au lieu de "rassembler"... Il y a du "Annie Ernaux", en plus brusque !!

Une sorte de honte sociale qui poursuit notre écrivaine ....

Lydie Salvayre aimerait l'Art de toutes ses forces si par un poison souterrain, cela ne renvoyait à sa classe sociale modeste d'enfant pauvre bien élevée mais émigrée !!

"Une défiance que j'étendais aussi, collatéralement, aux musées (...) aux musées qui conservent - le mot voulait dire-qui conservent les oeuvres en les retirant de la vie. (p. 58)"

Lecture assez déstabilisante au début, mais qui nous entraîne dans une nuit d'introspection des plus décapantes, entre les douleurs de l'enfance , les interrogations d'une jeune fille, qui n'avait pas accès "naturellement" au monde de la culture, étant fille f'émigrés!!...
La culture, fascination, et plaisir, mais aussi outil redoutable pour une sélection sociale élitiste !!

Lydie Salvayre règle ses comptes avec sa jeunesse d'exilés; les ostracismes vécus par les étrangers, et toutes les excusions sociales... Elle nous livre ses souhaits pour que la culture, l'Art , ne soit pas un élément d'écartement social, de plus:

"Je me prends à rêver d'un peuple, continuai-je, qui logerait ses oeuvres d'art dans les hôpitaux, les gares, les terrains vagues, sur les murs des cités, aux endroits les plus humbles mais où s'élabore une vie en commun, sur les places des villes, les docks, dans les cafés véhéments, les cadres obscurs, les guinguettes, les restaurants, parmi les hommes et pour eux- je soulignai pour eux-, pour tous les hommes-je soulignai tous-, les minuscules et les puissants, les lettrés et les illettrés, tous les hommes sans distinction, au coeur même de leur vie quotidienne et le dessous le ciel qui les couvre. (p. 73)

Dernières pages tout à fait exaltantes sur l'impuissance à la fois , de l'Art et son absolue nécessité !

Un très vif moment de lecture.... où on se fait passablement bousculer....mais il y a tant de vrai dans les constations de Lydie Salvayre qu'il est malaisé de lui en vouloir...

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