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Critique de Voirac


LA BIBLE ET L'HISTOIRE DU PEUPLE JUIF AU PÉRIL DE L'HISTORIOGRAPHIE.
Shlomo Sand est historien, professeur à l'université de Tel-Aviv. Il a écrit ce livre iconoclaste en 2008 dans lequel il tente de répondre à la question : quelles sont les bases du sionisme ?
Il constate préalablement qu'Israël est une ethnocratie sans frontière, qui appartient aux juifs du monde entier alors même que ceux-ci ne sont plus des réfugiés persécutés mais des citoyens de plein droit dans les pays où ils habitent.
Y a-t-il eut une expulsion de Palestine ? Pour l'auteur non, la diaspora n'est pas née de l'exil des descendants d'Abraham et Salomon, mais répond à des conversions successives en Afrique du Nord Europe du Sud et Proche-Orient ; ce qui remet en cause les fondements mêmes de la réappropriation du pays de Judée et d'Israël par les descendants des guerriers Berbères ou des cavaliers Khasars.
Mais alors, d'où vient l'histoire du peuple errant ? Ce serait l'oeuvre, depuis la seconde moitié du XIXe siècle, de talentueux reconstructeurs du passé, dont l'imagination fertile a inventé, sur la base de morceaux de mémoire religieuse, juive et chrétienne, le mythe de l'enchaînement généalogique continu pour le peuple juif. La terre d'Israël lui appartiendrait et non à cette minorité arabe, dépourvue d'histoire, arrivée là par hasard !
La Bible peut-elle être considérée comme un livre d'histoire ? Les premiers historiens juifs modernes ne la percevaient pas ainsi : à leurs yeux, l'Ancien Testament se présentait comme un livre de théologie, constitutif des communautés religieuses juives après la destruction du premier temple. Il a fallu attendre la seconde moitié du XIX ème siècle pour trouver des historiens (Heinrich Graetz notamment ) porteurs d'une vision « nationale » de la Bible : ils ont transformé le départ d'Abraham pour Canaan, la sortie d'Egypte ou encore le royaume unifié de David et Salomon en récits d'un passé authentiquement national. Les historiens sionistes n'ont cessé, depuis, de réitérer ces « vérités bibliques », devenues nourriture quotidienne de l'éducation nationale en Israël.
Mais dans les années 1980, les découvertes de la « nouvelle archéologie » contredisent la possibilité d'un grand exode au XIIIe siècle avant notre ère. de même, Moïse n'a pas pu faire sortir les Hébreux d'Egypte et les conduire vers la « terre promise » pour la bonne raison qu'à l'époque celle-ci... était aux mains des Egyptiens. On ne trouve d'ailleurs aucune trace d'une révolte d'esclaves dans l'empire des pharaons, ni d'une conquête rapide du pays de Canaan par un élément étranger.
Même le débat, de caractère juridique, sur « qui est juif ? » n'a pas préoccupé ces historiens : pour eux, est juif tout descendant du peuple contraint à l'exil il y a deux mille ans.
Paradoxalement, cet « événement fondateur » dans l'histoire des Juifs, d'où la diaspora tire son origine, n'a pas donné lieu au moindre ouvrage de recherche. Et pour une raison bien prosaïque : les Romains n'ont jamais exilé de peuple sur tout le flanc oriental de la Méditerranée. A l'exception des prisonniers réduits en esclavage, les habitants de Judée continuèrent de vivre sur leurs terres, même après la destruction du second temple. Une partie d'entre eux se convertit au christianisme au IVe siècle, tandis que la grande majorité se rallia à l'islam lors de la conquête arabe au VIIe siècle.
L'auteur conclut son ouvrage en prenant un modèle d'identification possible sur des pays comme le Canada, la Suisse ou la Belgique : pourquoi ne pas faire cohabiter des populations de culture et de langues différentes dans deux provinces d'un même état ? «Si le passé de la nation relève essentiellement d'un mythe onirique, il faudrait commencer à repenser son avenir, juste avant que le rêve ne se transforme en cauchemar ! »
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