J'ai découvert
Brandon Sanderson il y a maintenant trois ans avec Fils-des-Brumes. Pour moi, c'était un coup de coeur : la plume, les univers, la magie, l'imagination… Une révélation !
Elantris est le sixième livre que je lis de lui. Malheureusement, c'était peut-être le roman de trop. Au fur et à mesure de mes lectures, j'ai commencé à remarquer des schémas si récurrents qu'ils en devenaient des facilités narratives. Des personnages si semblables qu'ils en devenaient des clichés.
Pour le cas présent, j'ai trouvé énormément de similitudes avec
Warbreaker :
- un mariage royal en début de roman destiné à allier deux nations ;
- la princesse arrive dans son nouveau royaume et rien ne se passe comme prévu ;
- elle ne correspond pas aux critères de bienséance ou de beauté de son pays d'origine, mais son charme est plus apprécié dans son nouveau foyer ;
- ce sont les secrets des plus hautes castes de la population qui font que ledit mariage capote ;
- le prince est très concerné par la magie – mais pas en bien ;
- la jeune fille va mener l'enquête pour savoir ce qu'on lui cache ;
- il existe une caste d'élus qui sont choisis on ne sait trop au sein de la population pour devenir des êtres magiques ;
- une fin qui n'apporte pas toutes les réponses et qui laisse présager une potentielle suite.
Par ailleurs, je n'ai pas été très attachée aux personnages. Ils étaient… évidents. Et tout arrive trop facilement pour Raoden – je m'explique.
Sa situation n'est pas facile : devenu Elantrien, défiguré par sa nouvelle nature, renié par son père, transporté secrètement dans la cité maudite, il est annoncé comme mort à la population aréloise. "Il y a dix ans, se dit-il de temps en temps, non sans une pointe d'ironie, je serais devenu un dieu." Arrivé dans la cité, il constate son état de déliquescence (loi du plus fort, rues noires de crasse, immortalité, souffrances éternelles, folie). Pourtant Raoden ne cède pas au désespoir et se dit que toutes ces personnes manquent d'un but, dans la vie. Il va donc pousser les gens à se reprendre en main, nettoyer la cité, ne pas bizuter les nouveaux arrivants, s'organiser en société... Son charisme, sa gentillesse et son optimisme lui attirent la sympathie et sa cause prend de plus en plus de poids. Un peu trop vite à mon goût.
Mais le vrai problème avec Raoden, c'est qu'il m'a semblé trop gratuitement gentil. Élevé à la cour par un père qui ne voit que son profit, qui n'accorde d'intérêt qu'aux personnes qui peuvent lui apporter quelque chose, entouré de nobles qui s'estiment infiniment supérieurs à la populace, par quel foutu miracle a-t-il pu devenir une créature aussi pure et désintéressée ?
Sarène, ainsi que les personnages secondaires, m'ont laissée totalement indifférente. Je ne sais pas trop quoi dire sur elle, elle ne m'a pas touchée.
Un seul me plaisait : Hrathen, le gyorn. Principal opposant, mais également un des trois personnages à donner son point de vue (avec Raoden et Sarène). Il est plein d'ambivalence, de zones d'ombre, mais aussi de droitures. Un être au tissage assez complexe, intelligent, froid, charismatique, méthodique, mais pas non plus complètement salaud ; une richesse que
Brandon Sanderson n'a pas complètement exploitée
Sur la fin, les motivations de ce religieux qui a perdu la foi sont terriblement simplifiées : la raison pour laquelle il vaut sauver l'Arélon est non pas une révélation religieuse ou politique, une visée personnelle ou même une ambition nationaliste, mais des sentiments naissants pour Sarène, qui est pourtant son ennemie jurée. Et ça suffit à le faire retourner sa veste, renier sa religion et saboter le plan du grand Wyrn. J'ai été déçue.
Et pour finir – peut-être parce que c'est le premier roman de l'auteur – il m'a semblé que l'écriture était moins bien maitrisée. Plus de répétitions, des tournures moins recherchées, des dialogues bien moins profonds… Les rebondissements ne m'ont pas surprise, connaissant déjà la façon de faire de l'auteur. Et les réflexions qu'amène ce premier roman sont moins fines, plus terre-à-terre. Oh, bien évidemment le thème de la religion est de nouveau abordé. J'ai d'ailleurs reconnu les trois religions
Du Livre, incarnées par le Shu-Késeg, le Shu-Korath et le Shu-Déréth – cette dernière étant assez critiquée. Les ficelles étaient un peu plus grossières, en somme.
Et l'explication des souffrances éternelles des Elantriens ne m'a pas satisfaite. Brandon Sanderson affirme que c'est parce que leur corps est bloqué à un instant T, que la transformation est incomplète. Or, si à partir du moment où ils sont transformés, leurs corps sont immuables, ils ne devraient même pas ressentir la souffrance. Ni même la faim (à moins de devenir Elantrien en crevant la dalle ou en étant blessé).
Cependant, c'était effectivement un premier roman. Une première tentative dans le monde de la publication. La différence de niveau que j'ai senti avec les précédentes lectures n'est pas seulement due aux répétitions, mais aussi à la bonification du style littéraire. Alors malgré ce sentiment de lassitude qui m'a gagné quelques fois, La Voie des Rois, en attente sur mon étagère, me fait furieusement de l'oeil...