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Critique de Eve-Yeshe


Il m'est très difficile de parler de ce livre. Je l'ai terminé, il y a plus d'une semaine et c'est une claque. J'ai presque peur de l'abîmer en en parlant… J'en étais environ, aux deux tiers quand les attentats de Paris ont eu lieu et j'ai eu besoin de faire une pause, car la sidération m'empêchait de lire, de me concentrer. Il y a un avant et un après.

J'ai beaucoup aimé l'histoire de ces deux frères issus d'un curieux mélange, un père Allemand, une mère Algérienne. Comment une vie (des vies en l'occurrence) peut basculer quand Rachel, en se rendant à Aïn Deb pour se recueillir sur la tombe de ses parents, découvre qu'ils figurent « sur la liste sous des noms différents, quoique conformes à la réalité ? Majdali est bien le nom de jeune fille de ma mère et Hassan le prénom que mon père s'était donné en se convertissant à l'Islam. Pourquoi son nom a-t-til été remplacé par son prénom ? En fait tout simplement, pourquoi le nom Schiller n'apparaît-il pas ? » .

On leur a enlevé leur identité, comme s'il n'y avait plus de traces de leur passage et il va découvrir que son père était en fait un monstre.

Ce livre est bien construit, l'auteur alternant le journal de Malrich et celui de Rachel, et l'hommage bouleversant rendu, au passage, à Primo Levi dont l'auteur cite un extrait de « si c'est un homme » complété par quelques vers rajoutés par Rachel. P 78-79

Tout m'a plu, l'histoire, l'Histoire et la façon dont Boualem Sansal, sa perception de l'horreur du nazisme, la comparaison avec le terrorisme en Algérie, fin des années quatre-vingt : comment un pays sous le joug d'une dictature communiste, athée par définition, a pu devenir islamisée en voulant ouvrir des mosquées pour un retour aux sources de la culture du pays est passée sous la coupe des islamistes. On peut parler de peste brune, (les chemises brunes des SS) et de peste verte, comme la couleur de l'Islam transformé en islamisme. Il n'est pas question dans le livre d'une peste rouge (la dictature communiste qui a précédé est déjà plus loin)

Comment réagit-on quand on apprend que son père était un Waffen SS qui a participé à l'élaboration du Zyclon B, à l'organisation de la Shoah, et qu'il a réussi à s'enfuir, via les réseaux habituels pour les criminels de guerre et , via l'Egypte, se retrouver dans les rangs du FLN, (ses talents sont utilisés comme ceux de Barbie et autres comparses dans les dictatures d'Amérique latine) et à vivre avec cela sans culpabilité. Les fautes du père, la culpabilité vont s'effondrer sur Rachel, qui va étudier tout ce qu'il pourra trouver sur cette période de l'Histoire, revenir sur les lieux pour comprendre…

Comment vivre quand on est le fils d'un « bourreau » ? Peut-on même survivre ? En fait, on sait dès la première phrase que Rachel est mort, et que Malrich reconstruit la quête.

Ce livre pose la question de l'identité car les deux frères se retrouvent entre deux cultures, mais pour Malrich, on pourrait presque parler d'une prise de conscience de qui il est réellement, et on le voit progresser, grandir, se documenter aussi, lire comme son frère, alors qu'il était en échec et que la vie glissait sur lui… Il fait le lien entre peste brune et peste verte, de façon lucide car l'assassinat de Nadia sous la houlette d'un Imam intégriste lui a déjà ouvert les yeux. Sa vie va prendre un sens…

Je pars un peu dans tous les sens en rédigeant ma critique, car l'émotion est toujours là, en le feuilletant pour relever des extraits à partager…

C'est le premier roman de Boualem Sansal que je lis et je sais que je vais tout dévorer. « 2084 » est dans ma liste depuis sa sortie, mais maintenant j'ai peur de le lire, car je suis pessimiste de nature, dit mon entourage, réaliste selon ma propre analyse et je redoute justement le scénario qu'il y décrit…

Il faut lire ce livre, il est extraordinaire, bouleversant ...

Coup de coeur donc.

Note : 9,5/10


Lien : http://eveyeshe.canalblog.co..
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