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Critique de JMLire17


La plupart des individus naissent, vivent, meurent et sont invisibles aux yeux de l'humanité, ce sont les anonymes, les inconnus. C'est cette invisibilité là, que José Saramago, prix Nobel de littérature 1998, sort de l'ombre dans ce roman, publié en 1997.
Il imagine le Conservatoire général de l'état civil, immense bâtiment contenant une invraisemblable quantité de fiches sur lesquelles est inscrit l'était civil des personnes vivantes, mais également dans une proportion encore plus énorme celui des morts. Les rayonnages sur lesquels sont déposés les fiches ont une telle hauteur que les employés qui doivent atteindre les étages supérieurs sont pris de vertige. le dédale des allées nécessite l'utilisation d'un fil d'Ariane pour ne pas s'égarer. Un employé qui s'y est perdu, a été retrouvé mort. le mouvement des fiches des vivants vers les rayonnages des morts est permanent. Il règne dans cet endroit kafkaïen une entêtante odeur de papier et une poussière qui obscurcie la vue. le travail est très hiérarchisé, et inversement proportionnel au niveau hiérarchique, au bas de l'échelle les préposés aux écritures sont surchargés de tâches, ils sont encadrés, surveillés, commandés, voire espionnés par des sous-chefs, puis des chefs et au-dessus de tous règne le conservateur.
Parmi les préposés aux écritures, Monsieur José (qui n'a pas de nom) est encore plus invisible que les autres, par contre il bénéficie d'un privilège, il loge dans une maison attenante au Conservatoire et peut accéder aux fiches d'état civil en dehors des heures d'ouverture. Cet homme transparent a une passion, il collectionne tout ce qui concernent les gens célèbres, et s'introduit la nuit pour copier leurs fiches, jusqu'au jour ou le hasard lui met entre les mains la fiche d'une inconnue. Il décide alors de mener une véritable enquête pour tout connaître de sa vie. Il se lance dans une rocambolesque aventure. Il se munie de fausses autorisations pour interroger les voisins de cette personne. Il effectue une expédition nocturne dans le collège, où elle a fait ses études et est devenue enseignante, pour subtiliser les documents qui la concernent. Il devient cambrioleur pour tout connaître de la personnalité de l'inconnue, mais ce faisant il la sort de l'anonymat. Il est tellement obsédé par son sujet qu'il en tombe malade. Puis, il découvre que pendant ses recherches et sa maladie , la fiche de l'inconnue est passé du rayonnage des vivants à celui des morts, car elle s'est suicidée. C'est dans un cimetière tentaculaire qu'il poursuit ses investigations. Il se résigne à interroger les parents de l'inconnue pour savoir pourquoi elle s'est donné la mort.
L'humour n'est pas absent de ce conte philosophique, notamment avec la peinture d'une administration qui tient à la fois des " ronds de cuir " de Courteline et de Kafka. Mais ce sont surtout les thèmes qu'il aborde qui sont passionnants. Pourquoi le hasard lui a mis cette fiche entre les mains? Qu'est-ce qui fait qu'un anonyme devient célèbre? Peut-on se suicider sans raison? le temps s'écoule-t-il pour tous à la même vitesse? Existe-t-il un grand ordonnateur qui gère nos destinés? Puis encore, la curiosité, les rapports humains, la vie et la mort, le souvenir que l'on laisse dans la mémoire de ceux qui nous ont connus et plus encore aimés.
Bien qu'il n'amène pas de réponses, ce formidable livre oblige à se poser des questions, oblige à la réflexion et c'est la vertu des chefs-d'oeuvre.
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