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Citations sur La plus secrète mémoire des hommes (822)

Le Labyrinthe de l'inhumain appartenait à l'autre histoire de la littérature (qui est peut-être la vraie histoire de la littérature) : celle des livres perdus dans un couloir du temps, pas même maudits, mais simplement oubliés, et dont les cadavres, les ossements, les solitudes jonchent le sol de prisons sans geôliers, balisent d'infinies et silencieuses pistes gelées.
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Cet homme sait ce qu’il a fait. Mais son angoisse, son horreur viennent surtout de ce qu'il sait aussi qu'il ne peut défaire, réparer ce qu'il a fait. C'est parce qu'il lui donne la conscience tragique de l'indéfectible, de l'irréparable, que le passé est ce qui inquiète le plus l'homme. La peur de demain porte toujours, même infime, même quand on sait qu'il peut être déçu et le sera probablement, l'espoir des possibles, du faisable, de l'ouvert, du miracle. Celle du passé ne porte rien que le poids de sa propre inquiétude. Et même le remords ou les repentirs ne suffisent pas à modifier le caractère irrévocable du passé ; bien au contraire : ils le confirment même dans son éternité.
On ne regrette pas seulement ce qui a été ; on regrette aussi et surtout ce qui sera à jamais.
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[…] chez Haruki Murakami, par exemple. Tu connais l'histoire de l'origine fabuleuse de sa vocation d'écrivain ?
Non ? Il est à un match de base-ball. Une balle fend l'air avec pureté et harmonie, Murakami regarde la trajectoire parfaite de cette balle, et sait en la voyant ce qu'il doit faire, ce qu'il doit devenir : un grand écrivain. Cette balle était son épiphanie littéraire, son signe. Moi, je n'ai pas eu de balle.
Je n'ai pas eu de signe. C'est ce qui me fait dire que mon origine comme écrivain, ce sont mes lectures, je crois. Et toi, tu sais pourquoi tu es devenu écrivain ?
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Au fond, qui était Elimane ? Elimane était ce qu'on ne devait pas devenir et qu'on devient lentement. Il était un avertissement qu'on n'a pas su entendre. Cet avertissement nous disait, à nous écrivains africains: inventez votre propre tradition, fondez votre histoire littéraire, découvrez vos propres formes, éprouvez-les dans vos espaces, fécondez votre imaginaire profond, ayez une terre à vous, car il n'y a que là que vous existerez pour vous, mais aussi pour les autres. Au fond, qui était Elimane ? Le produit le plus abouti et le plus tragique de la colonisation. Elimane voulait devenir blanc, et on lui a rappelé que non seulement il ne l'était pas, mais qu'il ne le deviendrait jamais malgré tout son talent. Il a donné tous les gages culturels de la blanchité ; on ne l'en a que mieux renvoyé à sa négreur... tu le sais: la colonisation sème chez les colonisés la désolation, la mort, le chaos. Mais elle sème aussi en eux - et c'est ça sa réussite la plus diabolique - le désir de devenir ce qui les détruit. Voilà Elimane : toute la tristesse de l'aliénation.
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Ce qui se passe ici ferait pleurer n'importe qui. C'est la guerre. Je pensais revenir vite, je te l'avais promis. Aujourd'hui, je ne sais pas si je vais revenir. Il fait froid. Il pleut. Il y a beaucoup d'Africains ici. On nous appelle les tirailleurs. On se parle. On se tient chaud. Mais la nuit, chacun redevient seul avec ses souvenirs, ses regrets, ses peurs. Chacun sait qu'il ne reverra peut-être jamais son
pays.
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Quelques mois plus tard la guerre éclata et la France s'y engagea en première ligne. Elle y entraina évidemment ses petits chiens domestiques. Notre pays, le plus docile de la portée, en faisait partie. Je me rappelle quand le grand député français noir est venu de Paris, accompagné de Blancs, pour trouver des hommes qui voudraient se battre pour la France, la patrie mère. Il est venu jusqu'ici, jusqu'au village. Il promettait des choses à ceux qui viendraient se battre pour les toubabs. La gloire, la reconnaissance de la patrie, des médailles, de l'argent, des terres, des richesses, l'éternité dans un ciel héroïque, oh, il promettait et il savait promettre et beaucoup le crurent [...]

-Je dois y aller, dit mon frère.
-Pourquoi ?
-Par devoir.
- Tu ne sais rien de cette guerre. Ce n'est pas la tienne.
- Si. C'est la nôtre à tous, même si elle semble loin. C'est aussi la tienne. Elle sera rapide [...] les officiers toubabs le disent. Ils savent. La France gagnera vite avec l'aide de ses fils et frères africains.
- Fils ? Frères ? Non: vous êtes ses esclaves. Vous allez mourir pour elle. Elle vous oubliera.
- Je ne mourrai pas.
- Ne défie pas l'avenir. Tu ne le connais pas.
- Je reviendrai pour mon enfant.
- Il vaudrait mieux ne pas partir pour lui.
- J'ai déjà signé mon enrôlement. Je pars. Je vais dans le nord de la France. C'est là que je serai.
- Je me fous du lieu où tu seras. Ce sera toujours loin de ton fils. Quel genre d'homme es-tu ?
[...]
Comme tu le devines peut-être déjà, Assane n'a jamais vu son fils. Il n'est pas revenu de la guerre. Nous n'avons reçu aucune nouvelle de sa part. On ignore ce qu'est devenu son corps [...] Je repense parfois à lui et il ne m'inspire rien, ni colère ni pitié. Même plus de mépris. Il ne me manque pas [...] Je crois qu'il savait dès le début qu'il ne reviendrait pas. Je me demande même si, secrètement, il ne désirait pas mourir. Quelle plus belle manière pour lui de devenir Blanc que de mourir dans une guerre de Blancs, chez les Blancs, d'une balle ou d'une lame de baïonnette blanche ?
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La Médina palpitait comme un gros cœur en plein coup de foudre. La vie degorgeait de ce quartier populaire par tous ses pores (...). J'avais devant moi la preuve que le spectacle de la rue la plus ordinaire de cette ville rendait tout roman vain.
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- Je parie que tu es écrivain. Ou apprenti écrivain. Ne t'étonne pas : j'ai appris à reconnaître les gens de ton espèce au premier coup d'œil. Ils regardent les choses comme s'il y avait derrière chacune d'elles un profond secret. Ils voient un sexe de femme et le contemplent comme s'il renfermait la clef de leur mystère. Ils esthétisent. Mais une chatte n'est qu'une chatte. Il n'y a pas à baver votre lyrisme ou votre mystique en y noyant vos yeux. On ne peut pas vivre l'instant et l'écrire en même temps.
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Les astres de ma constellation amicale (...) Chacun de vous à sa part dans ce livre - l'inestimable part de l'amitié.
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La chose me paraissait pourtant simple: je remplissais l'Office dont beaucoup d' enfants devaient s'acquitter vis-à-vis de leurs parents à un moment de leur vie : l'Office de l'ingratitude.
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