Les choses ne se terminent pas toujours mal. De nos jours, les gens s'attendent toujours à des fins tristes. Ils ne font pas que s'y attendre: ils veulent ces fins tristes. Tu sais ce qui explique ça? C'est un mystère pour moi.
Je réponds que la tristesse prépare mieux à la vie, c'est-à-dire à la mort, et que la plupart des gens le comprennent très tôt.
Ma mère avait connu l'oppression politique en Haïti. Elle me disait toujours qu'espérer qu'une dictature devienne moins violente parce qu'on ne lui résistait pas était une illusion suicidaire doublée d'une lâcheté.
Elle, évidemment, pensait quelque chose de cette crise politique contre laquelle les jeunes manifestaient depuis de nombreux mois. Je l'écoutai. Elle avait alors dit avec une voix d'oracle: Ça finira mal, des jeunes vont mourir et des mères pleurer, on ouvrira des enquêtes d'une main et on les refermera aussitôt de l'autre; que des victimes, aucun responsable, rien ne changera, voilà.
On ne peut pas vivre l'instant et l'écrire en même temps.
Je te dis qu'il vaut mieux ne pas écrire si tu n'as pas au moins l'ambition de faire trembler l'âme d'une personne.
L'exil est obsédé par la séparation géographique, l'éloignement dans l'espace. C'est pourtant le temps qui fonde l'essentiel de sa solitude ; et il accuse les kilomètres alors que ce sont les jours qui le tuent.
Je vais te donner un conseil : n'essaie jamais de dire de quoi parle un grand livre. Ou, si tu le fais, voici la seule réponse possible : rien. Un grand livre ne parle jamais que de rien, et pourtant, tout y est.
Mais la vie, rajoutais-je, n'est rien d'autre que le trait d'union du mot peut-être.
Les écrivains, et j'en ai connu beaucoup, ont toujours été parmi les plus médiocres amants qu'il m'ait été donné de rencontrer. Tu sais pourquoi? Quand ils font l'amour, ils pensent déjà à la scène que cette expérience deviendra. Chacune de leurs caresses est gâchée par ce que leur imagination en fait ou en fera, chacun de leurs coups de reins, affaibli par une phrase. Lorsque je leur parle pendant l'amour, j'entends presque leurs « murmura-t-elle ». Ils vivent dans des chapitres.
Un hasard n'est jamais qu'un destin qu'on ignore.