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Critique de larmordbm


Nathalie Sarraute a été précurseure du nouveau roman qui prônait la fin des récits, des histoires, et pourtant, il y a dans le planétarium, une sorte de trame narrative avec quelques personnages dénommés et bien identifiés. L'histoire relatée sous forme de monologues par plusieurs protagonistes est celle d'Alain Guimier, jeune thésard marié à Gisèle, qui lorgne désespérément le grand appartement vaguement promis par sa tante. Autour de lui gravitent son père, ses beaux-parents, une écrivaine, diva du ghotta littéraire parisien entourée de ses admirateurs. Alain Guimier, jeune homme qui aime séduire et se plie aisément aux attentes de ses interlocuteurs, souhaiterait se lancer dans l'écriture.
Dans ce roman offrant de multiples niveaux de lecture, Nathalie Sarraute fait évoluer, de manière distanciée, des créatures figées, caricaturales, légèrement enduites de cire ou de fine poussière, apparaissant comme autant de petites planètes ou de satellites en orbite les unes autour des autres.
Elle construit un monde étrange, absurde, où sont observées, sous la lentille du microscope, des créatures qui s'approchent, s'entredévorent, guidées par la soif de possession, de pouvoir, de statut social, de réussite.
Comme dans ses précédents livres, l'autrice se met en quête de ce qui est sous-jacent aux émotions, aux comportements des êtres. Nous sommes dans le domaine du sensible, de l'inexprimé, de l'informe, aux frontières de la conscience, en amont du langage. On pourrait employer le terme d'impulsions, ou de pulsions, ce que Sarraute ne fait pas, rejetant la psychanalyse, son jargon et ses concepts qui enferment.
Des phénomènes, chimiques et physiques, d'attirance et de répulsion relient ou séparent les personnages. Des matières visqueuses, gluantes les enserrent, des forces les séparent ou les relient, symbolisant l'emprise, les rapports de pouvoir, l'osmose, la fusion.
Les relations entre les individus sont empreintes de bassesse, d'envie, de jalousie, d'acrimonie, de cruauté. Une violence sourde et latente plane. Celle-ci se traduit par l'irruption de scènes de la mythologie ou de western, de contes pour enfants, d'histoires de princesses, autant de références à des temps immémoriaux, à une mémoire collective ancestrale.
Dans ce concert de voix indissociées, les monologues s'entremêlent et on découvre à posteriori qui parle. Les mêmes scènes rejouées, relatées par des personnages différents mettent en relief de minuscules détails.
Nous sommes dans l'univers des représentations, des faux-semblants, des êtres se démultipliant en fonction de la perception qu'en ont les autres. de menus éléments de la conversation peuvent déclencher des réactions imprévues. Tout se joue de manière larvée, en deçà du langage convenu, des conventions et des rapports sociaux codifiés.

Le planétarium est également une critique acerbe de l'intelligentsia parisienne, du monde de la culture, où des courtisans entourent de grands noms de la littérature, parmi lesquels on croit reconnaître la silhouette de Sartre.

Une oeuvre passionnante, aux accents métaphysiques, qui ne livre pas d'emblée tous ses secrets.


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