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Critique de R-MDominik


17/08/2017
Petit fascicule indispensable pour tordre le cou aux préjugés, à priori et autres idées qu'on nous ressasse à longueur d'articles ou de discours d'hommes politiques qui ont une vision de notre société déformée par le prisme d'un néo-libéralisme forcené ayant force de religion. « Ni droite, ni gauche », « gouverner autrement », culte de la réussite économique, le « chacun a sa chance », toutes choses, toutes idées totalement ineptes mais qui, martelées du matin au soir, finissent pas être, pour ceux qui les entendent (comme pour ceux qui les disent !), des vérités indiscutables.

Ces idées ont tant contaminé les esprits que l'idée même de révolte a disparu (ou presque), nous en sommes à la croyance que le « consensus » serait la panacée ! Et dans leur bouche, qui dit consensus dit « TINA » ou « TINOW » (les fameux « There is no alternative » ou « There is no other way » chers à Margaret Thatcher et repris à l'envi par tout ce que le monde politique et économique compte d'ânes et d'imbéciles, qui semblent y découvrir une évidence première);

Extraits de « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté » :

« Les pauvres ne veulent/peuvent pas s'intégrer à la société. »

Faux : S'exclure de la société est rarement un choix délibéré.

S'il n'existe pas de « culture de la pauvreté » qui empêcherait les personnes en précarité de s'intégrer à la société.

En effet cette culture de la pauvreté n'existe pas. Les personnes en situation de pauvreté partagent-elles des croyances, des valeurs et des comportements essentiellement négatifs (la résignation, la vie au jour le jour, une répugnance pour le travail et pour l'école, une « culture de l'assistance », une culture des droits et des devoirs, un abus de drogues et d'alcool etc.) qui les empêcheraient de s'intégrer dans la société et seraient en grande partie à l'origine de leur pauvreté ? L'anthropologue Oscar Lewis a popularisé en 1961 la notion d'une telle « culture de la pauvreté », dans son livre « Les enfants de Sanchez ».

Cette thèse a desservi les pauvres du monde entier pendant des décennies. Elle a été contredite par des études qui montrent que ce sont les facteurs structurels (économiques, sociaux, politiques, etc.) qui sont avant tout à l'origine de la pauvreté.

Le rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » explique que (en milieu de pauvreté) on prend ses distances par rapport à la culture environnante, perçue comme une agression, parce qu'elle révèle sans ménagements vos ignorances et incapacités. On en vit cependant des valeurs de base. C'est le manque de moyens de les appliquer concrètement qui use l'adhésion et conduit à l'occasion à des comportements contraires. »

Ce sont plutôt les moyens qui leur manquent pour y prendre part comme elle le souhaiteraient. En effet, les personnes confrontées à la pauvreté rencontrent dans la vie plus d'obstacles que les autres.

Et dire que les personnes confrontées à la pauvreté rencontrent dans la vie plus d'obstacles que les autres, ce n'est pas les « victimiser », c'est décrire une réalité. Ces obstacles, véritables trappes à pauvreté, sont au moins de trois ordres : les conséquences du stress imposé par la précarité, les enjeux au niveau de l'école et les discriminations subies. Si nous ne luttons pas en même temps contre ces obstacles, tous les efforts que peuvent faire les personnes en précarité ne permettront pas seuls de changer leur situation.

Dans le domaine de l'éducation, on sait maintenant qu'aux Etats-Unis, au moins 60% de la variance des résultats scolaires sont liés à des facteurs extrascolaires. C'est bien le signe que les conditions de vie ont un poids déterminant sur la réussite scolaire. En France, entre 8% et 10% du retard scolaire seraient liés au mal-logement. Cela ne signifie pas, bien sûr, que l'on ne doive pas investir les meilleurs moyens éducatifs dans les quartiers défavorisés (alors que l'on constate le contraire, aux Etats-Unis comme ailleurs ; aux Etats-Unis, les subventions aux écoles sont fonction du niveau d'imposition dans le quartier – ce qui est un facteur aggravant d'inégalité – et le coût de l'université est très élevé), mais cela ne suffit pas. Pour faire reculer l'échec scolaire, il est plus efficace de lutter contre la pauvreté que de lutter seulement contre l'échec scolaire.

On le voit bien, le discours du mérite – « pour réussir, il faut faire des efforts », « tout le monde peut y arriver », etc. – est en bonne partie trompeur. Au lieu d'égalité des chances, on ferait mieux de parler d'inégalité des chances.

Et les inégalités ne sont pas un mal nécessaire au fonctionnement de l'économie, contrairement à ce que l'on a pensé entre les années 1970 et 2000 ! Ce qui était la thèse soutenue par Kuznets et en 1975 par Arthur Okun, pour qui ces inégalités étaient censées motiver les acteurs économiques et récompenser leurs talents. En effet, des années 1950 aux années 1970, les Etats-Unis ont connu une forte croissance tout en réduisant les écarts de revenus.

Suite aux travaux de Joseph Stiglitz, Robert Reich, James K. Galbraith, Anthony B. Atkinson et d'autres, on sait aujourd'hui que les inégalités – qui ont pris une toute autre ampleur dans les années 1970 – nuisent à l'économie. le FMI dans ses différents rapports le concède d'ailleurs lui aussi (sans pour autant que cela influe sur sa manière d'agir en Grèce ou ailleurs).

Mais lorsque ces obstacles sont levés, elles peuvent retrouver leur place au même titre que tout le monde.

Et tout le fascicule est ainsi, de quoi nourrir la réflexion, 5€ directement chez ATD Quart Monde ou chez votre libraire préféré…
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