Depuis peu, tout le monde avait des prétentions à l'épanouissement personnel. C'était ridicule. Rien ni personne n'était équitable. Et encore moins une société. A part la nature peut-être.
« Le plus dangereux, c'est la météo. De la météo aux états d'âme, il n'y a qu'un pas. »
Vous voyez, personne – aucun animal, aucun être humain – ne peut vivre entièrement seul dans son coin. Les organismes sont soumis à la concurrence. Et parfois contraint à une sorte de coopération. Mais c’est plutôt rare. Les formes de cohabitation les plus répandu sont la concurrence et les relations prédateur-proie.
« L'homme est un événement fugace à base de protéines. »
Mais Inge Lohmark ne faisait pas partie de ces professeurs qui, sachant qu'ils allaient bientôt perdre leurs opposants, flanchaient vers la fin de l'année. Elle n'appréhendait pas, ainsi livrée à elle-même, de glisser vers l'insignifiance. Avec l'approche des vacances d'été, certains collègues étaient atteints d'une forme de laxisme qui confinait à la tendresse. Leur cours dégénérait en une mascarade participative assez creuse. Un regarde songeur par-ci, une petite cajolerie par-là, des encouragements factices et autres pitoyables visionnages de films. Une inflation de bonnes notes, la haute trahison du "vingt sur vingt". Et puis cette mauvaise habitude d'arrondir les notes de fin d'année pour hisser certains cas désespérés dans la classe suivante. Comme si cela pouvait aider quelqu'un. Les collègues ne pigeaient tout simplement pas qu'ils ne faisaient que mettre en danger leur santé en s'occupant ainsi des élèves. Après tout, ce n'étaient que des sangsues promptes à vous ôter toute énergie vitale. Se nourrissant du corps enseignant, de ses compétences et de sa peur de manquer au devoir de surveillance. Ils vous assaillaient inlassablement. Avec leurs questions absurdes, leurs piètres intuitions et leurs familiarités peu ragoûtantes. du vampirisme pur et simple.
Certaines plantes ont davantage de gènes que l'homme. La stratégie la plus prometteuse pour arriver au pouvoir était encore de se faire sous-estimer. Avant de passer à l'offensive au moment opportun. Impossible de ne pas remarquer que la flore était aux aguets. Dans les tombes, dans les jardins, dans les casernes des serres, elle attendait son heure. Elle reprendrait bientôt ses droits. Reconquerrait des territoires profanés au moyen de ses tentacules producteurs d'oxygène, braverait les intempéries, briserait l'asphalte et le béton avec ses racines. Ensevelirait la dépouille de la civilisation déchue sous le sceau d'une couverture d'herbes. La restitution à l'ancien propriétaire n'était qu'une question de temps.
Hans disait qu'au moins, avant, il y avait eu la Stasi pour s'intéresser à lui. Quand il se sentait particulièrement seul, il relisait son dossier.
Le patrimoine héréditaire comme seul et unique investissement dan le futur. Dans l'espoir que ses propres gènes, recomposés différemment, puissent s'avérer en fin de compte avantageux et afin que le succès de ce mélange distingue, par effet rétroactif, le transmetteur. Surtout lorsque l'autre porteur de l'information génétique s'était fait la malle.
Apathiques, dépassés, exclusivement soucieux d'eux-mêmes. Ils s'abandonnaient sans retenue à leur indolence. L'attraction terrestre semblait agir sur eux avec trois fois plus de force. Toute chose requérait un immense effort. La moindre parcelle d'énergie dont disposaient ces corps était mobilisée pour une métamorphose douloureuse qui n'était pas sans rappeler la laborieuse libération de la chrysalide. Ce n'est qu'en de rares cas, cependant, qu'un papillon en résultait.