Cycle Anders Sorsele, tome 3 : L'héritage du serpent

Le fait d'être une bâtarde ne me posait aucun problème et, au milieu de l'indifférence générale, à une époque où ces affaires étaient courantes, je me réjouissais de n'être pas totalement apparentée à ces porcs analphabètes.

Je m'y vis en pied, ou plutôt j'y vis Anders, une expression de terreur dans le regard d'un vert pâle auréolé de turquoise. Je clignai des yeux, il cligna des yeux. Je penchai la tête, il pencha la tête du même côté. Je touchai la plaie profonde que j’apercevais à sa gorge dans ce reflet de cauchemar et je ressenti une vive douleur. Je grimaçai, il grimaça.

- Je suis venu à toi par ma propre volonté, dans le seul but de te faire renoncer à cette vie de débauche qui t'abîme peu à peu, avant que ta perdition ne soit totale... Je ne suis pas venu pour t'entendre me faire la morale à l'envers ! Pour ta gouverne, je préfère cette existence de servitude paisible à tes orgies et leurs lendemains de déprime ! Je ne me voile pas la face, de nous deux je ne suis pas celui qui a usurpé l'identité d'un autre par le meurtre ! Si tu ne m'as fait venir que pour me tenter, détrompe-toi ! Je ne suis pas prêt de déchoir quand je vois l'avenir qui t'attend, mon pauvre Anders ! continua-t-il d'un ton toujours plus bas, toujours plus énervé.

- Maintenant, grâce à toi, je sais qu'aucune rédemption n'est possible ! Je préfère mon hédonisme tapageur à ta vie d'artifices ! Pourquoi es-tu revenu à moi, maudit Séraphin, si ce n'est pas pour jeter un trouble encore plus atroce dans mon âme, déjà au bord du précipice ? Soit ! Je continuerai à massacrer des innocents avec ostentation, en hommage à ton attitude intolérante envers moi ! Puisque je ne suis pas digne de la compassion d'un ange, je m'enfoncerai à jamais dans cet enfer, que selon toi, je me suis choisi...

Malgré la souffrance qui croissait sans cesse, repoussant toujours les limites de ce que je croyais supportable, je sentis mon âme se glisser hors de ce chaos. Ce qui se passait me parut alors vain et sans intérêt. J'avais la certitude que tout ce qui pouvait me happer ne saurait être pire que cette cruelle expérience. La Mort était si proche de moi que son habit de satin noir crissait contre mes oreilles. Enfin, elle venait, la délivrance. C'était si bon !