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Critique de kielosa


Comme il existe pas mal de confusion sur le net en ce qui concerne la relation exacte entre l'auteure du présent témoignage et la célébrissime infortunée Anne Frank d'Amsterdam, permettez-moi une petite mise au point.

Eva Schloss, qui vient de fêter ses 90 ans, n'était qu'un mois et un jour plus âgée qu'Anne Frank. Eva née à Vienne le 11 mai 1929 et Anne le 12 juin 1929 à Francfort. Appartenant toutes les 2 à des familles juives persécutées par les nazis et qui espéraient survivre en émigrant aux Pays-Bas, où les gamines se sont connues. Après la guerre et sa libération du camp d'Auschwitz, la mère d'Eva s'est mariée avec Otto Frank, le père d'Anne et créant ainsi un lien qui est à la source de maints malentendus. Ce n'est qu'à la mort d'Otto en 1980 à Birsfelden en Suisse qu'Eva a pris la relève dans la commémoration de son ancienne amie. Je présume aussi pour lutter contre les négationnistes qui proclamaient que le légendaire journal intime d'Anne était un faux.

Soyez rassuré, c'est la gamine qui a écrit ce journal ("Het Achterhuis" - littéralement l'arrière maison) et plusieurs cours de justice l'ont, depuis les années 1950, confirmé. Je ne tiens pas à entrer dans cette, à mon avis fausse et scandaleuse polémique, et me limite à 3 brèves remarques : 1) le succès immense et continu de ce témoignage n'arrange bien sûr pas l'extrême droite ; 2) cette controverse a parfois pris une dimension qui frise le ridicule - les centaines de pages d'experts sur l'encre utilisée, par exemple - et 3) j'admire le courage d'Otto Frank et d'Eva Schloss pour défendre la mémoire de la petite Anne, décédée du typhus au camp d'extermination de Bergen-Belsen, probablement déjà début février 1945, 4 mois donc avant ses 16 ans (la date précise restera sans doute toujours inconnue).

L'auteure a pu bénéficier de l'aide de la journaliste britannique, Karen Bartlett, auteure de l'ouvrage historique "Architects of Death" (les architectes de la mort) sur la firme Topf & Fils d'Erfurt, qui a équipé les camps de concentration de fours, entre autres Auschwitz-Birkenau. Elle a aussi publié une biographie de Dusty Springfield (1939-1999), chanteuse de "Son of a Preacherman".

C'est à l'inauguration de l'exposition itinérante Anne Frank en 1986 à Londres qu'Eva Schloss, surprise par la demande imprévue du maire Ken Livingstone, a pour la première fois parlé de son passé dramatique. Jusqu'à ce moment c'était pour elle un sujet tabou, à ce point que lorsque ses petits-enfants la questionnaient sur le tatouage SS à son bras, elle répondait que s'était son (ancien) numéro de téléphone. Pour sa fille, Jacky, qui assistait à l'inauguration de cette exposition (qui sera visitée par plus de 3 millions de personnes à travers le monde) c'était une expérience "éprouvante" car elle ignorait pratiquement tout du passé de sa mère.

Ce discours improvisé a eu pour effet, qu'à 57 ans, Eva Schloss avait l'impression d'avoir enfin "retrouvé une petite partie d'elle-même". Peu après, elle a commencé à travailler avec la maison d'Anne Frank à Amsterdam et la Fondation Anne Frank au Royaume-Uni, où elle habitait.

À la page 6, l'auteure note en parlant d'Anne Frank : "Elle et moi avions des caractères très différents, mais nous étions amies". Avant son départ en wagon à bestiaux pour Auschwitz, lorsqu'elle avait 15 ans, et surtout comme môme, Eva avait une nature plutôt insouciante et enjouée.

Erich Geiringer, le père d'Eva, avait hérité de son père une fabrique de chaussures et la famille habitait une superbe demeure près du palais Schönbrunn des Habsbourg. Jusqu'à la crise économique des années 1930, les Geiringer menaient une vie aisée. Avec sa mère, Elfriede "Fritzi" Markovits, et son frère Heinz, qui avait 3 ans de plus qu'elle, la petite passait de longues vacances sur les côtes de la mer Adriatique en Italie. Heinz, de santé délicate, était en traitement chez Anna Freud, la fille de Sigmund et la fondatrice de la psychanalyse infantile.

Après un passage par Bruxelles, la famille arriva en février 1940 à Amsterdam et s'installa de l'autre côté de la place (Merwedeplein) où résidait la famille Frank. Peu après Eva et Anne se rencontrèrent et devinrent des amies.
Aux millions de lecteurs du Journal d'Anne Frank, Eva lance la phrase surprenante "Vous pensez peut-être que vous en savez déjà beaucoup sur elle....Je ne connaissais pas cette Anne Frank-lá. L'écrivaine à l'âme au bord des lèvres, sensible et profonde. Tout cela elle le réservait à son journal".

Et effectivement, le portrait qu'elle brosse d'Anne étonne. La petite Anne "attirait les gens à elle, en tissant sa toile d'histoires drôles ou amusantes ... Elle parlait tellement qu'on l'avait surnommée < madame Coin-coin > et elle était toujours entourée d'une bande de filles qui riaient à ses bons mots ou à ses observations pertinentes et tranchantes". (pages 61 et 62). Eva allait souvent chez les Frank, pour Otto qu'elle admirait, Anne et Moortje, leur chat.

À partir de janvier 1941, la situation des Juifs à Amsterdam se détériora rapidement à cause d'une politique de plus en plus agressivement antisémite de l'occupant et les 2 familles furent obligées de se cacher. Eva, enfermée avec sa mère dans un endroit minuscule, devenait "une jeune fille de 13 ans déprimée et exaspérante", car sortir représentait un risque énorme.

Finalement, Eva a été arrêtée par les nazis le jour de son 15ème anniversaire, le 11 mai 1944, et avec sa mère expédiée à Auschwitz, où elles ont été libérées par l'armée rouge, le 27 janvier 1945, à peine vivantes. Son père et frère adoré n'ont pas survécu à cette épreuve. le 4 août 1944, l'annexe des Frank est découverte et la famille également envoyée à des camps, où Anne et sa mère meurent.

Eva et sa mère retournèrent à Amsterdam, où Otto Frank se maria avec Fritzi en novembre 1953. Je ne vais pas résumer la suite de la vie d'Eva, devenue Schloss en épousant Zvi Schloss, un réfugié de Palestine, en 1952. Je signale juste que le couple a eu 3 filles.

Cet ouvrage est doublement intéressant, parce qu'il récite le parcours incroyable de la survivante Eva Schloss et jette en même temps un coup d'oeil fascinant sur la légendaire Anne Frank.
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