Prenons l’exemple du signet adopté par Yolande de Flandre lors de sa régence du Barrois. Y figure une scène de fantaisie, en l’occurrence un petit homme au manteau flottant chevauchant un lion dont il paraît forcer la mâchoire. La scène du combat contre le lion, référence à la vigueur de Samson qui n’hésita pas à combattre l’animal bien qu’étant sans armes et le vainquit en lui désarticulant la mâchoire, ou bien encore au courage de Daniel et de David, connaît, à partir du XIIe siècle, un grand succès chez les seigneurs lorrains, mais le symbole est alors réservé aux hommes, car il fait référence à des vertus nobiliaires masculines, les vertus chevaleresques ; dans l’iconographie religieuse, toutefois, l’homme au lion, c’est aussi l’homme maître de son destin et responsable, capable de choisir entre le bien et le mal. Et Yolande n’hésite pas à s’attribuer ces diverses qualités, force physique et maturité, afin de prouver à certains de ces mêmes seigneurs lorrains, ses compétiteurs pour la régence, que bien que femme elle souhaite gouverner en usant des mêmes moyens. L’adoption du symbole a donc, en l’occurrence, valeur d’avertissement ; peu importe le sexe, ce sont le rang et le sang qui font la valeur.
Élisabeth apparaît en réalité terriblement isolée, trop isolée pour mener la lutte avec quelque chance de succès. Le puissant réseau d’alliances dont elle aurait eu besoin lui fait totalement défaut. Les soutiens traditionnels des Candavène, sur lesquels son père pouvait encore compter à la fin du XIIe siècle, n’existent plus en 1219 : la protection anglaise n’est plus opérante et les grandes familles aristocratiques de l’Artois et de la Picardie ne prétendent plus guère à l’autonomie ; les fiers seigneurs châtelains ont fait place aux baillis royaux. L’isolement d’Élisabeth au moment des tractations de 1222 et 1223 n’est que trop évident.
[Il s'agit de Élisabeth Candavène, comtesse de Saint-Pol († 1240/47)]