"Maman, pense-t-on (comme ce nom aide à pleurer !), il y a quelque chose, tout au début, que j'ai fait de travers. Mais ce n'était pas moi, c'était la vie."
On s'agenouille, à moitié couché, dans le vent. Il en sera toujours ainsi, pense-t-on, toujours. Maman, pense-t-on (comme ce nom aide à pleurer !), il y a quelque chose, tout au début, que j'ai fait de travers. Mais ce n'était pas moi, c'était la vie. Tous les chemins que j'ai suivis, tous ceux que je n'ai pas suivis, aboutissent ici, dans cette « Vallée heureuse » d'où il n'y a plus d'issue, et qui, pour cette raison, doit ressembler au royaume des morts. Elle est remplie d'ombres du soir qui descendent lentement des montagnes et recouvrent les pentes et les troupeaux endormis, accrochés à leur flancs comme du duvet. Et dans la lumière nocturne émergent doucement, les unes après les autres, cimes et crêtes : décor de bout du monde.
Qui m'a amenée ici ? Pourquoi ai-je dû suivre tant de chemins, m'égarer toujours davantage ? D'abord, cela s'appelait l'aventure, puis ce fut le mal du pays, puis j'ai commencé à avoir peur et personne ne m'a aidée.
" Qu'allez-vous faire en Perse ? " me demanda Malraux. Il connaissait les ruines de Raghès. Il savait aussi ce qu'est la passion de l'archéologue. Il a beaucoup réfléchi aux passions humaines et savait les débusquer ; il avait tendance à ne pas en faire grand cas, sauf de ce qui finissait par en rester : la souffrance. Il me demanda : " Seulement à cause du nom ? Seulement pour être 'très loin' ? " Et je songeai à l'épouvantable tristesse de la Perse...