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Dominique Laure Miermont (Traducteur)Roger Perret (Auteur de la postface, du colophon, etc.)
EAN : 9782228898539
208 pages
Payot et Rivages (01/04/2005)
3.5/5   31 notes
Résumé :

Le 6 juin 1939, Annemarie Schwarzenbach quitte Genève dans la Ford Roadster "De Luxe" 18 CV que vient de lui offrir son père. Sa destination : l’Afghanistan. Sa compagne de voyage : la déjà célèbre Ella Maillart, qui veut arracher à la drogue cet "être noble au charme prenant". On ne connaissait jusqu’alors de cette aventure exceptionnelle que La Voie cruelle (PBP n° 51), peut-être le plus beau l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique

6 juin 1939, quelques mois avant le début de la deuxième tuerie mondiale, 2 jeunes femmes partent en bagnole de Genève en Suisse à Kaboul en Afghanistan.
Les voyageuses sont :
- Annemarie Schwarzenbach, 31 ans, écrivaine, photographe, journaliste et aventurière suisse ;
- Ella Maillart, 36 ans, exploratrice, écrivaine et photographe suisse.
La voiture : une Ford Deluxe, modèle 1937, cabriolet, 2 portes, 8 cylindres en V.
J'ai ajouté une photo des 2 dames à bord de leur bolide en route pour l'Afghanistan.

De ce périple surprenant existent 2 témoignages, le présent livre sorti, à titre posthume en version originale en l'an 2000 et d'Ella Maillart "La voie cruelle", initialement publié en 1947 et réédité en 1952.

En hommage à ces 2 découvreuses, les Belges Gaea Schoeters et Trui Hanoulle, sont parties à moto (des Suzukis Dr 650 SE) à Sanaa au Yémen en passant par l'Iran, le Turkménistan, le Tadjikistan et 6 autres pays musulmans en 1999. de cette exploration, 60 ans après les Suissesses, couvrant 30.000 kilomètres, elles ont publié en 2018 un magnifique album "Meisjes, moslims en motoren" (Filles, musulmans et motos, hélas pas traduit en Français).

Avant même de partir Annemarie Schwarzenbach avait noté : "Pourquoi quittons-nous le plus beau pays du monde ? Qu'est-ce qui nous pousse à aller vers l'est sur des routes désertes ?"
En effet, pourquoi ?

Pour les 2, il y a eu avant tout le goût prononcé de l'aventure et le besoin d'exploration.
Ella Maillart (1903-1997) avait déjà traversé l'Asie centrale soviétique et visité le Mandchoukuo, la Chine et différents pays du Moyen-Orient.
Annemarie Schwarzenbach (1908-1942) avait elle aussi déjà voyagé en Iran en 1933, où à Téhéran elle avait épousé en 1935 le diplomate français Achille Clarac (1903-1999). Comme indiqué dans ma critique du 14 mai 2019 de son livre "La mort en Perse", elle ne supportait pas la pression d'une famille richissime et écrasante. En plus, elle ressentait comme lesbienne des difficultés dans son entourage et souffrait d'une addiction à la morphine.

L'ouvrage, qui compte 188 pages, est structuré en chapitres relativement courts, sous forme d'articles parus dans la presse, principalement le "National-Zeitung" de Bâle et le "Luzerner Tagblatt, en 1939-1940, ainsi que des textes manuscrits découverts après sa mort. Ces chapitres vont des frontières des Balkans, jusqu'à la route de Peshawar en passant par l'Ararat, la steppe entre la Perse et l'Afghanistan, Kaboul, la traversée du Canal de Suez, etc.

En fin de volume figure une charmante postface de 22 pages par Roger Perret, auteur d'une anthologie de la poésie suisse moderne, écrit en l'an 2000 et qui fait le point de cette expédition extraordinaire.

Une carte géographique sur 2 pages, tout au début de l'ouvrage, permet aux lectrices et lecteurs de suivre pas à pas l'exploit remarquable de ces vagabondes courageuses.

Quant au style et écriture, Annemarie Schwarzenbach, qui a obtenu à 23 ans un doctorat en histoire et littérature à l'université de Zurich, savait manier la plume de façon agréable à lire.
Comme dépaysement l'on peut difficilement imaginer mieux que ce récit palpitant.
Dommage que l'auteure soit décédée si jeune, à l'âge de 34 ans.
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Je ne sais plus trop où j'ai entendu parler récemment d'Annemarie Schwarzenbach et que j'ai réalisé qu'elle avait écrit plusieurs livres qui pouvaient être intéressants à lire. Mon dévolu s'est porté sur celui-là, car c'est un périple célèbre que celui qu'elle a fait avec Ella Maillard pour rejoindre l'Afghanistan depuis la Suisse, à l'orée de la Seconde Guerre mondiale.
Il ne s'agit pas tout à fait d'un récit de voyage, mais plutôt d'une succession de courts chapitres conçus comme autant d'articles de journaux. Je ne sais pas si certains de ces articles ont effectivement été publiés, mais leur contenu est surprenant. On suit bien Annemarie Schwarzenbach au cours de son périple, même si le récit ne semble pas exhaustif et ne semble pas non plus couvrir les faits les plus marquants de ce voyage. Ce récit sur des routes peu carrossables et rarement carrossées d'Europe et d'Asie, ce récit plein de poussière et d'immensité est avant tout le prétexte à l'introspection et à l'expression du mal-être de cette femme qui cherche sa place dans le monde et une raison de vivre suffisamment puissante pour lui donner envie de continuer.
Car Annemarie Schwarzenbach est une femme tourmentée. Incapable d'être heureuse si le monde n'est pas à l'image du bonheur qu'elle voudrait pour tous, refusant le moyen, le simple, l'habituel, elle s'épuise à chercher le toujours plus. Cela l'a conduite sur les chemins de la drogue, et il est de notoriété publique que ce fameux voyage avec Ella Maillard est une énième tentative pour refaire surface. Il est aussi de notoriété publique que ce voyage sera, de ce point de vue, un échec, mais Annemarie Schwarzenbach aura essayé.
Essayé de se sauver par la fuite, c'est un peu ce que j'ai ressenti en lisant ce récit de voyage qui n'en est pas un. Les paysages peuvent être magnifiques, apaisants, sereins, Annemarie Schwarzenbach est systématiquement rattrapée par ses idées noires. le fait de ne pas être à la hauteur des exigences qu'elle a pour elle-même, le fait de nourrir inlassablement des idées sombres, d'être hantée par la tentation du pire puisqu'elle ne peut être le meilleur.
C'est un livre qui, malgré les beautés décrites, qu'elles soient naturelles ou faites de la main de l'homme, demeure recouvert d'un voile de profonde tristesse.
Ce livre n'est donc pas du tout le récit de voyage auquel je m'attendais. C'est une réflexion intérieure qui accompagne un mal-être dont l'aventure, qui aurait pu se révéler picaresque, de ces deux femmes en automobile, n'a pas su venir à bout. Mais ce mal-être, qui n'est jamais décrit frontalement, Annemarie Schwarzenbach demeure très secrète dans cette sorte d'impudicité qui consiste à écrire un livre sur soi-même, m'a parfois semblé familier, j'ai cru parfois me reconnaître dans certains des affres de cette femme, et j'ai été très touchée par son texte.
Tellement touchée que je me dis que je vais continuer à essayer de découvrir ses écrits. Tenter de mieux comprendre la complexité de ce personnage, en lisant d'autres de ses ouvrages, car maintenant que j'ai fait sa connaissance littéraire, je me sens prête à explorer des livres dans lesquelles elle ne sera pas l'ombre d'une autre exploratrice, comme ici elle semble rester dans l'ombre finalement un peu écrasante d'Ella Maillard. Une belle rencontre, même si elle est empreinte de beaucoup de souffrance rentrée.
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Voici donc le « double » du récit de voyage d'Ella Maillart, La Voie cruelle. Bien que les deux femmes aient déjà eu une solide renommée comme reporters de voyages avant celui-ci et bien que sa documentation visuelle révèle une grande similitude de points de vue – Annemarie s'occupant exclusivement des photos, Ella des films, Annemarie conduisant, Ella s'occupant du trajet et de « l'intendance » – le style des deux récits est très différent. Maillart, comme nous l'avons relevé, s'intéresse davantage aux « choses vues » et à leur histoire, aux « personnes rencontrées » et à leur culture, alors que les textes de Schwarzenbach, comme le précise très justement le postfacier du volume, Roger Perret, ne sont pas conçus « comme des articles ou des comptes rendus de voyage. Leur manière à la fois élégiaque et lyrique pourrait les faire considérer comme les prémices des mélancoliques poèmes en prose – Les Chemins de la tendresse, notre solitude (1940), Marc (1942) – qui dominent ses derniers travaux. » (p. 184). Les analyses personnelles, les introspections auxquelles je m'étais attendu sont presque totalement absentes, sinon dans la forme très sublimée et quelque peu elliptique que j'ai relevée dans les cit. 1 et 2 infra. Si les rares épisodes anecdotiques contés par Schwarzenbach – par ex. le vol et restitution de l'appareil photo Leica, l'admission dans le « harem » du notable afghan dont les filles lui demandent de leur confectionner une robe comme celle d'Ella – sont reportés également par Maillart, les description des paysages, amplement poétisés prédominent largement ici, et quelques considérations somme toute assez banales sur la condition féminine en Afghanistan ou sur la guerre qui a éclaté en Europe ne font pas le poids. Dans leur genre, ces textes sont très bien construits et l'écriture a un côté fascinant. Par contre, la camarade de voyage n'est mentionnée qu'une seule fois, et ce n'est que grâce à la très précieuse postface, bien documentée de Roger Perret que nous en apprenons davantage sur les attentes respectives des deux femmes quant à leur voyage, sur leurs personnalités si opposées, et donc sur l'évolution jusqu'à la rupture de leurs relations sans doute asymétriques et plutôt particulières (cf. cit. 3).
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En 1939, deux femmes quittent la Suisse en automobile pour l'Afghanistan, par voie terrestre. Leurs chemins se sépareront à Kaboul quelques mois plus tard. Ces deux caractères incroyablement différents tireront chacun un livre de cette aventure. La solide et sûre d'elle Ella Maillart en a livré un récit de voyage "terrien", empli de sa sérénité naturelle et de son don d'observation de l'humain. L'inconstante et fragile Annemarie Schwarzenbach en a tiré plusieurs textes discontinus, recueils d'impressions, de moments, de sentiments tels que vécus par leur auteur, sans souci de détails tels que la chronologie ou la géographie. Ces textes ont été rassemblés ultérieurement en un seul ouvrage par un éditeur. C'est plus un récit de voyage "intérieur" que de voyage au sens "géographique". On en apprend finalement très peu sur le parcours des deux femmes et les pays qu'elles ont traversés, et on tente tant bien que mal de comprendre ce qu'Annemarie a tenté de retranscrire. J'ai eu l'impression de ne saisir que très partiellement le sens du texte ; l'écriture est pleine de non-dits, de métaphores peu lisibles. L'auteur est plongée en permanence dans l'introspection, et ne décrit son voyage qu'à travers le prisme de ses obsessions : la souffrance, la solitude, la mort. Il faut aller jusqu'aux compléments situés après la fin du récit pour mieux appréhender le contexte et la personnalité d'Annemarie Schwarzenbach : sa dépendance à la drogue, ses tentatives et échecs pour s'en échapper (notamment au cours de ce voyage), ses amours malheureuses avec d'autres femmes, sa sensibilité extrême, la nature de sa relation amicale avec Ella Maillart, mentor choisie pour l'accompagner vers une vie "vraie". J'en retiens de belles évocations du désert, de la solitude, du désespoir existentiel, mais il ne m'a pas été donné de comprendre pleinement ce qui se tramait dans l'esprit torturé d'Annemarie Schwarzenbach.
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Quand Ella Maillard retourne en Afghanistan en 1939, c'est pour retrouver ce pays qu'elle a déjà visité deux ans auparavant et en explorer d'autres régions.

Annemarie Schwarzenbach était journaliste et avait déjà réalisé des reportages à l'occasion de voyages en Europe, en Asie et aux Etats-Unis. En 1939 elle sort de plusieurs cures de désintoxication mais la perspective de partir en Afghanistan avec Ella Maillard lui redonne de l'énergie. "Où est donc la terre des promesses" est donc un "double" de "La voie cruelle" où Ella Maillard fait le récit de ce voyage et il est difficile de le lire sans y penser.

Le ton d'Annemarie Schwarzenbach est toujours empreint de poésie et de générosité mais malgré tout on sent qu'elle parle d'elle avant de parler de l'autre et son ton quelque peu journalistique a du mal à nous faire oublier le style unique d'Ella Maillard.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Dans ce pays implacable, on est tenté de croire que la terre est sur le point de s'éteindre et court à sa perte, n'étant déjà plus un lieu accueillant pour le séjour limité accordé à l'homme.
Je dois reprendre pied sur ce chemin, me dis-je, et me défendre contre cette terrible vision. Le combat avec les nuages, avec le vent qui vous coupe le souffle, contre le froid et la fatigue, contre la peur impie, la lutte avec l'ange et pour le pain quotidien, c'est la même chose, et c'est là notre destinée. Que peuvent me faire ces ruines, et la couleur de la terre, du désert? Autant vouloir accuser la fuite du temps et lui tourner le dos, autant vouloir se protéger de son propre souffle qui s'exhale.
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1. « Est-il vrai que nous avons autrefois étudié les us et coutumes des peuples étrangers ? […]
En voyage, la réalité change de visage avec les montagnes, les rivières, l'architecture des maisons, la disposition des jardins, avec la langue, la couleur de la peau. […]
Et on comprend enfin que le déroulement d'une vie n'est pas fait d'autre chose que d'un nombre limité de ces "épisodes", que le lieu où nous allons enfin pouvoir construire notre maison dépend de mille hasards. Mais la paix de nos pauvres âmes, elle, est un bien précieux qui repose sur la liberté. […]
Or le voyage, qui peut paraître à beaucoup comme un rêve léger, comme un jeu séduisant, comme une façon de se libérer du quotidien, comme la liberté par excellence, en réalité est impitoyable ; et c'est une école qui nous accoutume sans ménagement à l'inévitable cours des choses, aux rencontres et aux séparations. » (pp. 40-41)
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3. [Roger Perret in : « Postface – "Mon existence, condamnée à l'exil et à l'aventure" »]
« Désespérée par la guerre, exténuée par la maladie, passionnément amoureuse de Ria Hackin [l'épouse de Joseph Hackin, directeur de la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA), qu'Annemarie Schwarzenbach intègre], il lui fut impossible de résister à la fascination du poison. Ella Maillart vécut cet épisode comme la rupture du pacte conclu avec elle. En même temps, elle se reprochait d'avoir failli à son rôle d'ange gardien. Moralement à bout, Annemarie Schwarzenbach se sentit plus écartelée encore par les conseils bien intentionnés de son aînée. Ella Maillart devait avouer plus tard que les soucis causés par l'instabilité psychique de son amie avaient rompu l'enchantement du voyage. » (p. 174)
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2. « C'est pourquoi j'ai voulu un jour me dégager, de quelle destinée exactement, je l'ignorais, et je croyais seulement comprendre qu'un malheur m'avait frappée, comme il peut arriver à tout un chacun, et qu'il me fallait me tenir à l'écart, en silence. Comment vivaient les autres, me demandais-je, comment supportaient-ils ce pays, et le lendemain, comment le supportaient-ils ? Mais quand tombe une fois encore la magie du crépuscule, quand le jour sans ombre décroît, que les biches se tiennent près du talus hivernal déjà nimbé de brume ; quand une heure aussi candide m'est encore accordée, alors je suis prête à baisser les yeux et à me repentir, et à ne plus jamais céder à la tentation ; […] » (pp. 137-138)
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Car il y a des lois, des fatalités - et se révolter, avoir l'audace de risquer vainement une mort inutile, c'est à la portée de bien peu de gens.
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Videos de Annemarie Schwarzenbach (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Annemarie Schwarzenbach
Vidéo de l'exposition des autoportraits. Musée Berardo, Lisbonne, 2010/
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