L'art de la mémoire a … ses sources dans la haute antiquité. L'aède de la Grèce primitive était un poète qui chantait les aventures et les exploits des dieux et des héros en s'accompagnant sur une cithare. Il déclamait de longs poèmes, d'immenses épopées comme l'Iliade et l'Odyssée, que les générations se transmettaient oralement. Or l'aède ne reproduisait pas mot à mot, littéralement, ce que la tradition apprenait ; il reconstituait cet enseignement ancestral, de manière empirique à l'aide d'éléments qui étaient des trucs astucieux de mémorisation. Des sortes de guides dans le dédale de la mémoire. Les dialogues dans les textes d'Homère sont très importants à cet égard car ils constituent autant de petites scènes de théâtre qui mobilisent l'imagination. Ces éléments mnémoniques, ce sont aussi les nombreuses images visuelles qui servent à fixer le souvenir du récit ; le rythme des vers, qui appelle une autre participation sensorielle, celle de l'audition ; la logique du déroulement de l’histoire, qui impose à l'esprit un certain enchaînement obligé des événements.
2908 – [p. 48] L'art de la mémoire, de Jacqueline Renaud.