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Critique de lavsimon


L'antispécisme est défini en ouverture d'ouvrage comme une vision de la justice selon laquelle les intérêts des autres animaux doivent être pris en compte dans l'organisation des sociétés humaines, à l'encontre de leur subordination aux seuls intérêts humains. Bien que le terme ait fait son apparition dans les années 1970, Segal montre qu'une diversité d'acteurs, individuels ou collectifs, se sont positionnés en ce sens dès le 19e siècle, en Angleterre et en France notamment, d'abord autour de la protection des animaux. Radicaux, les antispécistes avant ou après la lettre l'ont été en ce qu'ils ont visé la racine (du latin radix) d'un problème humain-animal, de par leur objectif, leur discours et/ou leurs actions. Les prises de position de figures tel Marie Huot, Élysée Reclus ou Louise Michel, qui sont parmi les premières rencontrés dans l'ouvrage, attestent que la cause des animaux a été étroitement imbriquée à d'autres luttes et postures - anarchistes, socialistes et féministes - au sens desquels le rapport aux autres animaux s'identifiait à l'exercice d'une domination plus vaste. Segal s'appuie sur les revues ou journaux créés par les groupes et mouvements impliqués, les mémoires et biographies, ainsi que sur les gestes et procès qui ont porté la lutte pour les animaux à l'attention du public : sabotage de chasse, protestation contre la vivisection, et autres.

À l'encontre d'une pratique historienne campant une cause, telle une essence, au sein d'un groupe unitaire (ethnie, classe ou nation) chargé de la réaliser, pratique courbant le tri et l'interprétation des événements de façon à créer l'illusion d'une nécessité de la réalisation de cette cause, Segal rend justice avec force à la diversité de lieux, des acteurs et des perspectives : du groupe réunit à Monte Vérita en Suisse où Max Weber, Franz Kafka, Hermann Hess, et Isadora Duncan notamment ont séjourné, à la commune de Dimona au sud d'Israël fondée par les African Hebrew Israelite et pratiquant un strict véganisme, aux groupes punk du mouvement Straight Edge, à Anonymous for the Voiceless (fondé en Australie), Animal Liberation Front (au Royaume-Uni), ou à L214 (en France).

Une autre qualité de l'ouvrage est de dépeindre avec réalisme les tensions rencontrées à la fois par les groupes antispécistes de l'extérieur (notamment avec les reculs auxquels ont pu conduire des efforts de réforme politique pourtant appuyées par une majorité de citoyens) et de l'intérieur (alors que certains continuent de prôner le réformisme, d'autres l'abolitionnisme; alors que certains mettent la libération des animaux en priorité par rapport à toutes autres causes au motif que les animaux ne sont pas responsables du sort qui leur est fait et que la souffrance infligée est pire que la souffrance choisie, tandis que d'autres prônent ce que l'on appelle aujourd'hui l'intersectionnalité).

Le lecteur découvre ici un pan vivant et méconnu des idées et pratiques récentes visant à transformer et enrichir notre vie morale au contact des autres animaux, ainsi que la vaste étendue des ramifications géographiques des transformations et résistances associées ; pan au service duquel Segal met une écriture alerte, vive et habile.

Un livre clair, documenté, comportant, en plus d'une bibliographie, le résultat d'entrevues et d'observations terrain menées par Segal en France et au Québec (à Montréal) pour mieux attester de la diversité contemporaine des engagements et des tonalités; livre duquel tous peuvent apprendre.
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