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Critique de michfred


Depuis Transit je voulais lire d'autres livres d'Anna Seghers. Cette écrivaine allemande, communiste et d'origine juive, fuyant l'Allemagne nazie, puis la France vichyste pour se réfugier au Mexique avant de revenir en RDA, en pleine guerre froide, a énormément écrit avant, pendant et après son exil. Un petit nombre de ses nombreux livres ont été traduits en français, dans des éditions parfois difficiles à trouver.

J'ai déjà dit tout le bien que je pensais de Transit qui évoque de façon romancée le parcours du combattant des réfugiés politiques étrangers regroupés à Marseille dans l'attente d'un visa de sortie pour quitter la France, tandis que la zone libre mérite de moins en moins son nom...

La septième croix non plus ne m'a pas déçue. C'est de l'opposition intérieure au nazisme et du sort qui lui est réservé qu'il est question cette fois.

Sept prisonniers politiques ont réussi à s'évader du camp de concentration de Westhofen. le pouvoir nazi est sur les dents et met aussitôt tout en oeuvre pour les rattraper. Un à un, les évadés sont repris ou abattus. Sauf un: Georg, blessé gravement à la main et repéré un peu partout où il passe. Son arrestation ne semble être qu'une question d'heures. Les chefs du camp ont déjà dressé dans la cour les sept poteaux de torture en forme de croix où les sept évadés recevront leur châtiment ultime.

Pourtant Georg tient bon. Tandis qu'autour de lui l'étau se resserre, se tisse aussi le réseau fin et solide d'un maillage amical, d'un héroïsme du quotidien, fait de petits pas, de petits gestes, de petites initiatives à hauteur d'homme ou de femme qui fait pièce à la chasse à l'homme organisée par les nazis..

Une multitude de personnages gravitent autour de Georg sans le connaître ni le croiser parfois, donnant à son échappée belle une profondeur et une résonance exemplaire.

Ainsi se révèlent aussi bien des lâchetés inattendues chez tel qu'on croyait un opposant militant et résolu-ou des prises de risque généreuses et tenaces chez un vieux copain qu'on aurait pensé pusillanime et replié sur son bonheur égoïste.

Tous ces parcours dessinent une Allemagne en proie à la fanatisation de masse, surveillée et épiée dans ses moindres faits et gestes par les chefs d'immeubles, les hommes en uniforme, SA ou SS, les enfants enrôlés dans les mouvements de jeunesse hitlérienne, les concierges aux aguets, les délateurs d'occasion... Bref une Allemagne où il est devenu héroïque et dangereux de tendre la main, de donner à manger, d'héberger un homme aux abois.

Le récit est nerveux, détaillé, haletant, la restitution historique pointue et convaincante, les personnages attachants.

Et comme Anna Seghers est aussi un grand écrivain, elle donne à ce suspense historico-policier une ampleur quasi mythique par la force de quelques scènes-la mort en liberté du plus vieux des évadés revenu mourir près de sa ferme. ou la petite fille en bonnet blanc et aux yeux noirs qui vient soudain agripper la nappe de la table où dîne le fugitif tandis que des SA entrent dans la salle pour danser la valse...

Seghers sait aussi transfigurer un récit hyper réaliste par des détails incongrus qui lui donnent des allures de conte- le fugitif réfugié dans une cabane où sont dressées sept petites assiettes, sept petites coupes...

Un récit palpitant, instructif, plein d'humanité et de poésie, postfacé par la grande Christa Wolff.. je recommande chaudement!
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