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Critique de umezzu


A contrario de l'image devenue courante depuis que Victor Hugo l'a affublé du qualificatif de Napoléon le petit, Philippe Séguin entend par cet ouvrage rendre à Napoléon III une place plus importante dans l'histoire du dix-neuvième siècle, en insistant notamment sur ses apports à l'idée de suffrage universel, au développement économique guidé par l'État, et aux premières (mais limitées) actions sociales pour la classe ouvrière.

Porteur d'un grand nom, héritier et espoir d'une famille, Louis Napoléon se fait d'abord remarquer par l'amateurisme de deux tentatives de coup d'État, à Strasbourg et à Boulogne, qui lui valent un séjour en prison, certes confortable, à Ham. D'où il s'évade déguisé en ouvrier. Il y gagne un surnom qui lui fera le délice de ses opposants : Badinguet.

La révolution de 1848 surprend toute la classe politique ; le prétendant napoléonien réfugié à Londres y compris. le récit que Séguin fait de l'année 1848 et de l'attitude attentiste de Louis Napoléon est passionnant. L'ex-proscrit laisse la situation politique se décanter, Cavaignac rétablir l'ordre, et l'assemblée débattre sur le suffrage universel. Difficile pour les républicains de ne pas le mettre en place, même s'ils pressentent qu'il leur sera défavorable. La population rurale attend le retour de la paix sociale et de la confiance économique. Après que Louis Napoléon, sortant de son silence, ait tenu quelques déclarations sans grand relief, il se trouve même certains de ses adversaires politiques pour s'auto-convaincre qu'il constitue un candidat à la présidence de la République acceptable, et surtout un président qui pourra être manipulé. Et voilà un exilé, largement moqué, sans réel parti à ses côtés, qui se fait triomphalement élire.

La constitution de la seconde République et les divisions de l'Assemblée conduisent au coup d'État du 02 décembre 1851. Un basculement que Séguin pense inévitable au vu des circonstances. Cette prise de pouvoir, qui ouvre la voie au second Empire, reste en tout cas l'acte qui définitivement brouillera le personnage avec les républicains en général, et avec l'auteur des Misérables en particulier.

Séguin développe largement la vie politique de l'époque et lâche des comparaisons hasardeuses avec notre époque. C'est là certainement la partie la moins intéressante du livre.

Le chapitre sur l'économie tient de l'inventaire des basculements de la France de l'époque. Séguin admet que Napoléon III n'en est pas l'unique auteur, mais c'est la vision politique de l'Empereur qui accompagne ces modifications. Au premier chef, bien sûr, le développement du réseau ferré, la constitution d'industries lourdes, quelques découvertes scientifiques, et un dynamisme financier incarné par les frères Péreire...

Côté social, l'Empereur s'avère plus engagé que son entourage ou ses ministres. L'histoire sociale a oublié que c'est à cette période que sont légalisés le droit de réunion ou le droit de grève. L'action en matière d'éducation conduit à la généralisation de l'enseignement, y compris pour les filles.

Sur le plan international, de Napoléon III enchaîne un succès réel, l'indépendance de l'Italie, et son corollaire l'intégration au territoire national, après plébiscite, de la Savoie et de Nice, et la désastreuse aventure mexicaine. On doit aussi à Louis Napoléon le rapprochement avec l'Angleterre de Victoria, prélude aux alliances futures.

L'Empire va s'engager dans la guerre avec la Prusse, piégé par les déclarations et les chausse-trappes d'un Bismarck décidé à profiter du moment. Guerre catastrophique, engagée en infériorité numérique, avec un Empereur malade à la tête des troupes. Échec final d'un régime qui cherchait un second souffle.

Séguin, en choisissant de regrouper ses chapitres par thématique, quitte par moments la chronologie, mais rend plus compréhensible les idées et actions de Louis Napoléon. Il est toujours surprenant de voir des hommes politiques de tous bords parvenir dans leurs emplois du temps surchargés à écrire des ouvrages, particulièrement des biographies historiques, qui, par nature, demandent un gros travail de recherche. Au cas présent, Séguin avait déjà creusé le sujet lors de sa thèse. Il avait été manifestement conquis par le personnage. Sa biographie est éclairante, et ne bascule pas dans l'hagiographie. Une lecture intéressante autour d'un personnage dont le souvenir est malmené par L Histoire.
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