C’est toi qui viens d’ouvrir cette vanne, Si Achour. À toi de la refermer. Je me suis rappelé un proverbe tunisien : Ne fourre pas ta main dans les trous, tu ne seras pas mordu par les scorpions !
Je reconnais que ce n'est pas seulement la curiosité qui me pousse à parler avec Zohra.Il y a autre chose
Au début, cette chose me semblait vague,je n'arrivais pas à le définir,mais petit à petit, je suis parvenue à la clarifier: c'est une forme de nostalgie pour la "femme arabe".Je me suis marié qu'une fois,et il se trouve que la femme que j'ai épousé est française. (..)
Avec Zohra, j'ai aussi recommencé à prendre plaisir à parler en arabe, et plus précisément en arabe tunisien.A l'époque où je l'ai connue,je parlais presque tout le temps en français et j'étais fier de pouvoir le faire à la perfection .La chose dont je me flattais le plus était de parler français comme un Français. (p.22)
Ce jeu de séduction a commencé par de toutes petites choses. Ses regards quand nous nous croisions dans le hall de l’immeuble ou devant les boîtes à lettres et qu’il n’y avait personne autour de nous. Les gestes de ses mains. Sa démarche. Sa façon d’articuler quand elle me disait bonjour.
“Pauvre Mme Albert… — Elle a vécu quatre-vingt-dix ans dans l’aisance, le confort et le bien-être, et vous la plaignez !
Petit à petit, ma vie a retrouvé son rythme d’avant. Une fois, j’ai croisé par hasard un de mes vieux amis tunisiens – celui qui était le plus proche de moi. Cela nous a fait très plaisir de nous retrouver. Nous avons recommencé à nous voir de temps en temps au café. Je crois que nos rendez-vous et nos conversations sur la Tunisie et les transformations dont elle était témoin m’ont été utiles : dans une large mesure, cela m’a aidé à oublier Zohra.
Rien de mieux que l’absence pour oublier. Rien de plus efficace que les voyages pour régénérer l’âme et le corps.
Un malheur fait parfois ressurgir des chagrins plus anciens que l’on n’a pas réussi à surmonter et qui sont restés enfouis en nous. Quoi qu’il en soit, son attitude m’a impressionné. Ses sanglots amers et son profond chagrin pour une vieille dame avec laquelle elle n’avait aucun lien de parenté m’ont touché. J’y ai perçu de la fidélité et une forme de grandeur d’âme.
Comme tous les humains, il avait des sentiments et un cœur qui battait. Et puis il était seul depuis déjà un certain temps, et Zohra avait encore de quoi plaire aux hommes. Outre que certains Européens rêvent des femmes arabes et orientales et que leur imagination nourrit beaucoup de fantasmes à leur sujet. Petit à petit, j’ai sombré dans un abîme de réflexions et une forme de jalousie a grandi en moi. Jamais je n’aurais cru que je puisse être jaloux de M. Gonzales !
Rien n’est plus cruel que la solitude, et il y a des gens qui n’ont pas la force de la supporter longtemps.
Toute femme a besoin d’un mari qui satisfasse son désir d’affection, qui la soutienne et qui assume avec elle les fardeaux de l’existence. Et puis une femme arabe ne peut pas vivre seule, surtout pas dans un pays étranger, même si elle a une forte personnalité et de bons moyens financiers. Si elle ose le faire, quantité de soupçons planent sur son mode de vie et l’on se met à raconter des histoires pour salir sa réputation et entacher l’honneur de sa famille.