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Critique de Biblioroz


Au monastère de Verfeil, à quelques kilomètres de Toulouse, l'hiver fut froid en cette année 1367. Même « les cierges grelottaient ».
Le livre s'ouvre sur un dialogue entre deux frères dominicains, certes victimes du froid mordant de ce mois de février, mais dont le vocabulaire ne correspond sûrement pas au langage utilisé à cette époque, qui plus est dans un monastère ! Mais mis à part ce petit écart qui nous éloigne un peu d'une période moyenâgeuse, ce roman est un pur dépaysement historique agitant dans son chaudron bouillonnant rivalités religieuses, amitiés fraternelles, écrit mystérieux, souvenirs redoutables, bactéries redoutables, ambition, hérésie, Inquisition… Avec une telle mixture, inutile de préciser que le lecteur doit rester vigilant, ne pas laisser passer les informations. Heureusement, l'auteur a une plume qui glisse aisément sur toutes ces données, nous laissant dériver sans trop d'efforts vers 1367 et ses précédentes années.

Retournons au monastère. Les poumons du prieur Guillaume lui donnent une respiration sifflante, ses jambes sont toutes congestionnées, autant de signes pour ne pas négliger plus longtemps le devoir d'écrire ses mémoires. Pour que celles-ci soient gravées durablement, il envoie les deux jeunes frères Antonin et Robert quérir à Toulouse du parchemin et de l'encre de grande qualité.
En périphérie de la ville la peausserie dégageait sa puanteur. À Toulouse, un attroupement se forme autour d'une maison abritant des lépreux, et, au détour d'une rue, des oblats intiment l'ordre aux deux frères de les suivre à la maison de l'Inquisition où Robert sera fait prisonnier, accusé d'avoir molesté un franciscain.
Ce n'est pas uniquement cet hiver-là que la bonté chrétienne entre franciscains et dominicains est de glace. Leurs doctrines diffèrent et où il y a différence, il ne peut y avoir d'entente.
Robert deviendra otage, et Antonin poussé à la traîtrise pour préserver la vie de son ami. L'Inquisiteur désire connaître l'histoire qui va être gravée sur le vélin. Pourquoi ces signes de cruauté, de perversité, pour de simples souvenirs d'un prieur ?
Même dans les prières Antonin ne peut apaiser la morsure de la trahison qu'il commet envers le prieur alors que son angoisse vis-à-vis du frère Robert ne fait que croître.
Sous les doigts d'Antonin, les pages du vélin se remplissent, lentement, sous la dictée du prieur qui parle de la peste, de son temps de novice au service du grand maître Eckhart. C'est cette figure, celle d'Eckhart, un maître en théologie mystérieux, troublant, qui va venir assombrir les confessions de Guillaume. Alors que Robert souffre en silence, dans un cachot à l'air vicié, victime de l'Inquisition, les mots se gravent, à la lueur des cierges, dans la chair du vélin. Des mots qui font défiler l'Histoire, avec toute l'intolérance et les batailles continuelles qui la peuplent et la peupleront toujours.
La puissance du gros inquisiteur, au nom de la soi-disant volonté de Dieu, est sournoise mais implacable puisque ses condamnations sont là pour purifier. Et ce sentiment de pouvoir ne se lâche pas...

Bien qu'au sein de couvents, rien de fraternel ne suinte des murs de cette histoire. Avidité et ambition sont en revanche bien présentes. C'est peut-être dans le jardin où les simples s'égayent que l'on trouve un peu de paix dans ce roman foisonnant. Il nous instruit sur de nombreux sujets comme les béguines, les sermons provocants et dangereux de maître Eckhart, les haines entre franciscains et dominicains, les hérésies ou tout ce qui était jugé comme tel... Une lecture instructive et aventureuse qui tourbillonne au fil des pages, dans un Moyen Âge qui ne manquait pas d'animation.
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