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Critique de leschroniquesdeminuit


À certaines périodes j'ai besoin de lire des romans « costauds » avec une histoire dure et des passages violents, qui procurent des sensations presque physiques. Je préfère ne pas savoir pourquoi…
Sur les conseils d'autres lecteurs j'ai donc lu le roman Hell.com de Patrick Sénécal qui répond tout à fait à cette attente, c'est un livre qui lacère véritablement le lecteur et qui m'a beaucoup impressionnée. Au même moment j'ai vu circuler des articles sur un autre de ses ouvrages réédité chez Fleuve Noir et dont le sujet m'a interpelée. La loi du Talion, se faire justice soi-même, vaste débat qui revient régulièrement sur le devant de la scène et qui me fait réfléchir à tous les coups. C'est ce thème que je vais développer en vous parlant de ma dernière lecture, Les 7 jours du Talion de Patrick Sénécal.

« Une douleur épouvantable serra la gorge de Bruno. Il sentit les larmes venir, les sanglots monter… et pourtant, il ne pleura pas. Comme il n'avait pas pleuré une seule fois depuis l'arrivée des ténèbres. » p. 51

Comme souvent au début de toutes les histoires dramatiques, la vie s'écoule plutôt paisiblement pour les personnages principaux. Nous sommes à l'automne 2000, Bruno Hamel est chirurgien dans une petite ville du Québec, il vit très confortablement et partage son activité entre l'hôpital et un centre d'hébergement pour femmes battues. Sylvie sa compagne travaille également dans ce centre social. Tous les deux sont des personnes intègres, avenantes, généreuses et appréciées dans leur entourage. Ils élèvent leur petite fille de sept ans, Jasmine, dans un climat serein et mis à part un peu de lassitude au sein du couple, tout va plutôt bien.
Tout vole en éclat le jour où Jasmine a du retard pour rentrer de l'école. Celle-ci est située tout près de la maison familiale et la petite fille a l'habitude de faire seule le trajet en même temps que d'autres camarades accompagnés de leurs parents. Jasmine n'arrivera jamais chez elle, elle est rapidement retrouvée dans un champ bordant à proximité de son itinéraire, elle a été violée et tuée. Bruno est à proximité quand un policier fait la macabre découverte, ce traumatisme va le faire basculer d'un coup dans un monde de cauchemar.

« - Ça vous surprend, qu'il en soit arrivé à une telle extrémité?
- On ne peut jamais s'étonner des réactions d'un parent dont l'enfant a été tué ou attaqué… » p. 128

Le choc est définitif pour le couple qui vit ces premières journées en se laissant porter par les événements. La famille et les amis les entourent pour affronter les obsèques de Jasmine mais Bruno s'est réfugié dans une réalité loin de toute émotion, sa seule préoccupation est le soutien qu'il peut apporter à Sylvie. Un soir, quelques jours après le drame, le sergent Mercure les contacte pour leur annoncer que l'assassin de leur fille a été retrouvé. L'enquête a très vite avancé car il s'agit d'un jeune homme de 28 ans, Anthony Lemaire, déjà connu des services de police pour délits se rapportants aux moeurs. Il a presque reconnu les faits devant des preuves indiscutables et la justice se met en route pour l'inculper et instruire le dossier.

Ce qui est un soulagement pour Sylvie est vécu comme une injustice irréparable par Bruno, il ne peut accepter que le meurtrier de sa petite fille subisse uniquement des années de détention alors que Jasmine ne reviendra jamais. Mis au courant du déroulement de la procédure, Bruno imagine et met en place un tout autre scénario, il va mettre la main sur le monstre qui lui a pris son enfant et devenir son bourreau, une vengeance qu'il espère à la mesure de l'acte abominable commis sur sa fille. L'enlèvement du meurtrier fait l'effet d'une bombe dans les médias qui s'empressent de rendre public que Bruno va agir durant une semaine, et qu'au septième jour il exécutera Lemaire. Commence alors une course contre la montre pour les enquêteurs afin de retrouver le médecin, mais même au sein de l'équipe, les opinions divergent…

« Je vais vous dire, inspecteur. Hamel peut bien faire boire de l'acide de batterie à Lemaire, j'en ai rien à carrer. Et si lundi il réussit à tuer ce trou du cul avant que vous le retrouviez, notre chaîne va jouer le jeu et annoncer ça comme une tragédie. Mais moi, ici, dans mon bureau, je vais applaudir à tout rompre… Et je pense que je serai pas le seul... » p. 187

Ce roman de Patrick Sénécal ne peut pas laisser indifférent tant la thématique abordée est polémique. J'ai immédiatement repensé à une triste affaire largement relayée par les journaux depuis 35 ans maintenant et qui a largement divisé le pays... La douleur, le désir de vengeance et de réparation, le sentiment d'injustice, c'est précisément l'argument de ce récit, mais Patrick Sénécal va un peu plus loin. Il explore aussi ce qui peut se passer dans l'esprit humain après un traumatisme majeur, les mécanismes de défense mis en place, la dissociation qui peut se créer. C'est l'instinct de survie qui parle, mais à quel prix… Ce livre est évidemment une fiction mais il implique réellement le lecteur, enfin pour ma part, je n'ai pas pu empêcher une projection.

Même si l'émotion est très présente, c'est également un roman avec un suspense qui porte le lecteur. le tempo est donné par l'ultimatum et le récit rythmé par chaque journée de cette longue semaine. Il y a d'un côté l'enquête de police, ouverte sur le monde, et de l'autre un huis-clos terrible entre Hamel et Lemaire. Certaines scènes sont difficiles à lire, jouant avec toute une palette de sentiments mais aussi avec la capacité du lecteur à encaisser une grande violence.
Patrick Sénécal pose un récit clair, qui se lit facilement du point de vue du style. Il utilise une alternance de temps entre les séquences narratives au passé et des séquences actives au présent, créant des « instantanés » donnant au texte encore plus de crédibilité. L'intrigue reste intéressante jusqu'à son dénouement et permet au lecteur d'aborder les faits sous différents angles.

« Ils se turent. Car tous deux pensaient à la même chose : au résultat encore inconnu de ce déraillement. Soit le train s'arrêtait tout simplement… soit il s'écroulait et tuait tous les passagers à bord.
Wagner regarda l'horloge : cinq heures quarante-quatre. » p. 333

Ce livre de Patrick Sénécal a été publié en 2002. Par la suite un film a été tourné avec des retours relativement bons mais encore une fois ce qui ressort dans les commentaires c'est à quel point chacun se sent touché personnellement.

Dans un style très différent de Hell.com, Patrick Sénécal m'a offert un très bon moment de lecture, et je vais dès que possible lire le Vide qui m'a été chaleureusement recommandé.
Lien : https://leschroniquesdeminui..
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