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Critique de Nastasia-B


Il y a un an jour pour jour, le 9 mars 2022, un petit drone sous-marin a retrouvé l'épave de l'Endurance après bientôt 107 ans de vie aquatique par 3000 m de fond. Pour celles et ceux qui ignorent tout de cette goélette et des hommes qui vécurent à son bord, on pourrait questionner l'opportunité et l'intérêt de cette découverte.

En ce qui me concerne, il y a bien plus d'un an que je m'intéresse au bonhomme Shackleton — depuis 2015 pour être précise — et cette découverte n'a pas particulièrement eu d'incidence sur moi ni sur mes lectures le concernant, notamment celle-ci, qui remonte à des lustres. Mais, reprenons la question pour celles et ceux qui ignorent tout de ce bateau et de l'histoire dont il fut, bien involontairement, le douloureux protagoniste.

Pourquoi irait-on dépenser des sommes folles à rechercher une épave coincée sous la banquise antarctique si c'était juste pour retrouver des vieux bouts de bois et de métal oxydé, incrustés d'algues et d'étoiles de mer depuis plus d'un siècle ?

Eh bien tout simplement parce que les hommes qui furent pris dans les glaces à bord de ce bateau, l'Endurance, ont réalisé l'un des plus grands exploits humains — pour ne pas dire LE* plus grand — de tous les temps, un de ces actes de bravoure qui vous redonne foi en l'espèce humaine, une leçon d'espoir et de courage à méditer pour des siècles et des siècles. le genre de péripéties qui vous fait dire : « Ceux-là étaient des grands, ceux-là étaient des braves. »

(* J'ai écrit plus haut « LE plus grand exploit de tous les temps », encore que j'imagine qu'atteindre Hawaï ou la Nouvelle-Zélande, pour les premiers habitants issus de la Polynésie, notamment des Marquises, dans l'insondable immensité du Pacifique, en couvrant plusieurs milliers de kilomètres par des courants contraires sur une pirogue à balancier et sans outil de navigation, ça devait bien valoir aussi un peu quelque chose.)

Ils voulaient découvrir le continent antarctique mieux que personne : ils n'y poseront même pas le pied ; ils voulaient donner à connaître la Terre : ils ont donné à connaître l'Humanité, ils nous ont fait découvrir une potentialité insoupçonnée de l'Humain, sa formidable résistance dans les pires conditions d'adversité imaginables. Et ce qui est beau, surtout, c'est qu'il s'agit d'un exploit collectif, fruit d'une collaboration optimale entre une poignée d'hommes décidés à mettre leurs forces en commun plutôt que de viser le chacun pour soi.

Quel exemple que cet équipage de l'Endurance ! Quel meneur que cet Ernest Shackleton, commanditaire de l'expédition ; quel capitaine que ce Frank Worsley, le skippeur de l'Endurance et, plus tard, du canot James Caird ; quel incroyable officier que ce Tom Crean, qui les accompagna jusqu'au bout faisant preuve d'une force et d'un courage exceptionnels ; quel second que ce Franck Wild qui, par son calme et sa sagesse, a su tenir la baraque au pire moment de découragement possible, et tellement, tellement d'autres exploits individuels parmi les autres membres de l'expédition, du charpentier de marine au cuisinier, qui, tous, tous, à un moment donné, par leur action décisive, ont permis la réussite de l'ensemble.

Eh bien, c'est le détail de cette incomparable aventure que nous raconte Sir Ernest Shackleton dans ce livre, ces presque deux ans de vie — ou de survie — coincés sur la banquise dérivante de l'Antarctique, ou sur l'île désolée de l'Éléphant, sans oublier, bien sûr, le broyage du bateau par les puissances titanesques de la glace travaillée par les blizzards et les courants profonds, la navigation parmi des vagues hautes comme des immeubles, pour trois malheureuses coquilles de noix, cernées par l'ouragan, dans le froid polaire, sans eau potable ou presque, dans une quasi obscurité…

Et c'est tout ? euh… non, ce n'est pas tout, j'allais presque oublier le principal, parcourir à six dans un canot les plus de mille kilomètres qui séparent une chiure de mouche sur les cartes de l'Atlantique sud, d'une autre chiure de mouche, à peine plus grande, ballotés sur un océan déchaîné, à la pire période de l'année, avec des outils de navigation rudimentaires, aborder une île — la Géorgie du sud — aussi aimable qu'une quintuple rangée de barbelés d'une tranchée minée, sachant, bien évidemment, qu'il faudra escalader la charmante insulaire hérissée de monts à pics et de glaciers monstrueux car l'aide, si aide il y a, se trouve de l'autre côté de l'île, dans un petit port baleinier, logé dans une baie abritée du rivage opposé.

Eh bien, oui, tout ça, ils l'ont fait, et même encore plus que ça. le détail en est révélé dans ces pages, qui se lisent très facilement et avec grand intérêt. Personnellement, j'aurais aimé que Shackleton nous offre un récit un peu plus émotionnel, un peu plus détaillé sur l'environnement et la psychologie des différents membres de l'équipage, un peu moins distancié des événements, c'est le tout petit, le minuscule reproche que je lui adresse, d'où ces quatre étoiles et non cinq, mais pour le reste, une aventure époustouflante qui mérite vraiment le détour d'après moi. Mais bien entendu, ça n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose.
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