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Critique de Darjeelingdo


«  J'ai l'intention de courir un marathon »: c'est par cette annonce de Remington (64 ans) à sa femme Serenata (« que 60 ans » ! ) que s'ouvre le dernier roman de Lionel Shriver.

Étant donné qu'elle ne l'a jamais vu courir « même d'ici au salon » quand elle-même a couru pendant 47 ans mais ne peut plus physiquement le faire, cette annonce provoque incrédulité, amertume, rancoeur puis fatalisme : « ça lui passera » pense t- elle.... sauf que pas du tout !

J'avoue que je me suis d'abord demandé si j'allais supporter pendant tout le livre les chamailleries des deux époux « Se chamailler en pinaillant, c'était leur mode de fonctionnement », ok, mais pour l'entourage et pour le lecteur ça peut être lassant !
C'était compter sans la plume caustique et décapante de l'auteure qui passe au crible nos sociétés modernes !

Première cible : l'obsession pour la santé et le culte du corps qui a envahi nos écrans et nos journaux et a précipité des foules d'hommes et de femmes plus ou moins jeunes et en plus ou moins bonne santé vers ces grands messes sportives que sont biathlon, triathlon et autre MettleMan ou IronMan, dont elle fait une description assez savoureuse. Elle les compare aux adeptes d'une secte dont le gourou serait le coach et pour Remington le coach a «  le genre de corps qui servait d'argument de vente pour une carte d'abonnement dans une salle de gym », j'ai nommé Bambi Buffer, 1200 dollars d'honoraires mensuels ...

La plume acide de Shriver a d'autres sujets d'exaspération ! A commencer par ce qu'on appelait le « politiquement correct » et qu'on appelle de plus en plus, à la mode américaine, la « woke culture » (être conscient des injustices qui pèsent sur une minorité : racisme, sexisme, grossophobie ...) et la « cancel culture » (pointer du doigt une personne ou une oeuvre jugée inappropriée). Serenata et son mari en sont tous deux victimes : elle parce qu'elle imite trop bien tous les accents dans les audiolivres ou les jeux vidéos qu'elle double; lui parce qu'il est accusé de racisme et discrimination à l'égard de sa chef dans son travail, ce dont il se défend :
« Je n'aime pas ma supérieure immédiate, je le reconnais, c'est vrai, mais pas parce que je suis raciste ou sexiste ou anti-immigrés. Pas parce que je suis quelque choso -phobe. Je ne l'aime pas personnellement. En tant qu'individu. Est-ce encore possible ? Est-il légal de nourrir de l'animosité à l'égard d'une personne en particulier qui s'avère appartenir à une « population marginalisée ? »

Ajoutez à cela quelques pages sur l'éducation (ils ont plutôt foiré celle de leurs deux enfants !) et sur les mouvements chrétiens , les évangéliques ici, dont s'est entichée la fille aînée du couple : «  la brigade de Jesus conférait une supériorité grandiose sur les barbares ignares qui n'avaient pas vu la lumière - comme ses parents ».

Enfin le livre est aussi une jolie méditation sur le vieillissement et le vieillir ensemble , même si je ne partage pas sa vision égoïste quant à l'avenir de la planète : « la meilleure chose dans le fait de vieillir était de se vautrer dans ce grand rien-à-cirer » !

C'est le premier livre que je lis de Lionel Shriver et j'avoue avoir été assez séduite par sa causticité et son sens de la formule et je tenterai certainement d'autres ouvrages d'elle .

Merci aux Éditions Belfond et à Babelio pour cette lecture fort plaisante
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