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sur 534 notes

Il court, il court le joggeur pendant que je furète le dernier roman de Lionel Shriver.
Le sport, c'est fatigant. Mais pas autant que les sportifs. le pitbull des lettres américaines s'est trouvé un nouvel os à ronger : le culte du corps et de la performance.
Serenata, la narratrice, perfusée à l'ironie féroce, doit supporter la dernière lubie de son mari qui vient de se faire virer de son emploi: courir un marathon. Comme son bonhomme a la soixantaine et n'a jamais fait de sport, elle prend d'abord cela pour une résolution de réveillons. Mais le pépère s'obstine et cette capitulation à des défis à la mode qui font sensation dans les dîners fragilise le couple, d'autant que de son côté, Serenata a tellement martyrisé son corps en galopant depuis son enfance qu'elle a les genoux qui grincent comme les portes d'un vieux manoir hanté.
La situation s'aggrave quand son Remington de mari décide de se faire aider par une coach dont le prénom, Bambi, résume bien le programme, et un groupe de camés de la dopamine qui préparent un triathlon de type Iron Man. Pour Bambi, il suffit d'un peu de volonté pour ne pas vieillir. le mot d'ordre est je cours donc je suis… et je sue aussi !
Le dépassement de soi pour flatter le moi. Coluche disait qu'il n'y avait pas plus con que le vélo comme sport. Je ne sais pas ce qu'il dirait de ceux qui pédalent dans la semoule une centaine de bornes après avoir barboté plusieurs kilomètres en eaux troubles avant de crapahuter pendant quarante kilomètres en plein cagnard.
Lionel Shriver ne s'en prend pas qu'à la secte du lycra dans son roman. L'insupportable fille du couple a rejoint « la brigade de Jésus » et enchaîne les leçons de morale à destination de sa mère pour la rendre responsable de tous ses échecs. Les évangiles pour se venger.
Mais à mes yeux bigleux à défaut d'être bleu, le véritable moment d'anthologie de ce roman se situe dans le récit par l'absurde d'un conseil de discipline qui aboutit au licenciement du mari. Lionel Shriver qui n'en est pas à sa première controverse, ridiculise ici le wokisme de façon brillante.
Comme Babelio a dû repérer que je n'aimais pas trop les romans à l'encre trop sympathique, je ne peux que dire merci pour cette masse très critique car le ton acerbe de Lionel Shriver a cajolé mon mauvais esprit.
Rien ne sert de courir, point !
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Tellement fan de cette autrice américaine, que je crains de ne pas être objective. Il n'empêche que ce nouvel opus de Lionel Shriver, Quatre heures, vingt deux minutes et dix huit secondes est un coup de coeur, un vrai !
Le thème abordé a quelque chose d'universel, le vieillissement, inéluctable à moins d'avoir quitté cette vallée de larmes avant de pouvoir constater les dégâts insidieux du temps !

Le couple vedette a récemment rejoint le club des sexagénaires, Remington vient d'être licencié, et Serenata souffre d'une arthrose avancée des genoux, et reste très réticente à confier ses articulations défectueuses aux bons soins d'un chirurgien orthopédiste. Dur pour cette sportive qui ne souhaite pas du tout ajouter le qualificatif d'ancienne à cette définition d'elle-même.

C'est ce moment compliqué que Remington choisit pour se consacrer à une nouvelle passion, le running, et pas en coureur du dimanche : il vise ni plus ni moins le marathon, même si sa première tentative l'a péniblement transporté à huit cent mètres de chez lui !

C'est le début d'une escalade qui met à mal le couple et ce qu'il reste de leur famille !

Lionel Shriver a le don pour camper des personnages très représentatifs , auxquels il est possible immédiatement, sinon de s'identifier, au moins de reconnaitre dans ces portraits les anonymes de la vraie vie, que l'on a forcément croisés un jour.

C'est l'occasion de dénoncer la société de consommation, car, ce qui fut gratuit naguère, avec une paire de chaussures de sport basique, est devenu un business florissant, proposant matériel, appli et tarifs d'inscriptions aberrants !

Plus encore, le fonctionnement des aficionados regroupés au sein de club a tout de la secte, vouant un culte au corps.

On apprécie aussi le constat d'échec éducatif de nos héros, dont les enfants ont opté pour des parcours peu banals !

400 pages addictives : j'attends le prochain !
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Qui trop embrasse, mal étreint … à vouloir aborder tous les sujets dans le même récit, ce roman m'a égaré et finalement déçu.
Ciblant les drogués du sport, passant du marathon au triathlon pour échapper à l'inéluctable déchéance physique et intellectuelle, en courant derrière un couple de retraités, Serenata et Remington, Lionel Shriver dérive vers les dérives sectaires dans lesquelles ont sombré leur fille Valéria, puis dénonce les mises en retraite anticipées, l'éclairage LED, etc.
La romancière, dont j'apprécie le combat contre le poison woke, jongle avec l'humour, l'ironie et le sarcasme mais abuse des dialogues, que la mise en page complique malgré le talent de la traductrice.
Quatre heures, vingt deux minutes et dix-huit secondes de lecture semblent longues, mais j'apprécie l'épilogue qui montre deux amoureux au crépuscule de la vie, goutant paisiblement leur existence impactée par « l'obsolescence programmée ».
L'Age a aussi ses bons côtés !
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Dans le couple, Serenata était la sportive. Mais l'usure de ses genoux l'a contrainte à renoncer à la course à pied. Alors quand Remington, son époux, plutôt sédentaire et mis en retraite anticipée, lui annonce qu'il va courir un marathon, elle ne sait trop que penser... Incrédulité, jalousie, colère, ses sentiments se bousculent. D'autant qu'après un marathon couru dans la douleur, Remington se laisse convaincre par une coach de se lancer dans un triathlon !

Lionel Shriver nous livre un roman sur la transition entre une vie active (professionnelle, sportive, etc.) et une retraite pas toujours désirée, ni même choisie. C'est rédigé avec beaucoup de tendresse et une pointe d'humour et d'exagération, qui édulcorent sans les cacher les peurs, les angoisses et les colères.
Il est difficile de s'identifier à Serenata ou Remington, car leurs comportements sont exacerbés et mis en opposition par l'auteure : deux époux qui perdent presque simultanément un travail dans lequel ils s'étaient investis, l'une devant de plus renoncer à presque toute activité physique tandis que l'autre décide de combler le vide de sa vie en se lançant des défis sportifs qui paraissent insensés. le sujet n'est pas facile. Lionel Shriver le traite avec tact mais sans complaisance.
L'objet du roman ne se prête pas aux multiples rebondissements, ou à une écriture très dynamique. Pourtant, le livre se lit facilement. Cela est du à une écriture assez simple et directe (merci à la traductrice). Lionel Shriver sait également entretenir des petits suspenses, sur des décisions inattendues ou des comportements surprenants.
Pas tout à fait un coup de coeur, mais un très bon roman.
Lien : http://michelgiraud.fr/2022/..
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Serenata a toujours été soucieuse de son corps, mais de récents problèmes de santé ont mis fin aux joggings qui rythmaient sa vie depuis plus de trente ans. Aussi voit-elle d'un oeil sarcastique mêlé de jalousie la décision de son mari de courir un marathon. Lui qui n'a jamais fait de sport, est-ce l'ennui lié à une retraite anticipée, la peur de vieillir ou encore la jolie coach qu'il a embauchée qui le motive ? À moins que Remington soit tout simplement tombé dans ce culte du corps et de la performance qui est le nouveau mantra de beaucoup de ses contemporains. Toujours est-il que ce nouvel état de chose remet en cause l'existence même du couple de sexagénaires jusque-là complice…

Dans ce récit souvent caustique et drôle où chacun peut à un moment ou à un autre se retrouver, Lionel Shriver décortique à merveille le refus de vieillir, une obsession de notre époque. Et pour faire bonne mesure l'auteure du très réussi Il faut qu'on parle de Kevin, fille de pasteur presbytérien, s'en prend aussi à d'autres ferveurs qui prolifèrent dans la société américaine, les églises et sectes religieuses. Des attaques en règle qui ne manqueront pas de déplaire aux exaltés, grenouilles de bénitier comme sportifs à outrance…

Merci à Babelio et aux Éditions Belfond
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Fortement autobiographique, ce nouveau livre d'une Lionel Shriver qui, plus que jamais, a beaucoup de choses à nous dire, devrait pas mal diviser, moi compris, un peu étourdi de ces quelques heures de lecture contrastées… et de ne pas oublier de remercier Belfond et Babelio pour cette avant-première.

Quand la pensée atteint un paradoxe, en tout cas en sciences humaines, c'est qu'on est sur une bonne voie… En faire ici la pseudo-démonstration reviendrait à une longue roulade dans une flaque, le dos piqué par de nombreux et impatients gravillons. Avec Lionel, on tient une bonne cliente pour ce qui est du franc-parlé, et d'idées qui pourraient sembler contradictoires au bloc gentiment huilé des « progressistes ». On peut se réjouir qu'elle ait de plus un solide sens de l'humour-tragique, surtout quand il s'agit de nous en conter sur la vieillesse, et de son éternel querelle des anciens et des modernes… et d'en profiter pour régler quelques comptes.

Avec ce prétexte du monde en plein essor des sports d'endurance extrêmes, elle en profite pour dézinguer ce type de troupeau d'égocentriques, liés par les codes et valeurs usuels d'un groupe délimité, mais chacun isolé par sa quête de performances individuelles. En corollaire, on peut y voir cet agacement face à la prise de pouvoir des émotions et ressentis personnels dans le débat public, et bien-sûr, la progressive sanctuarisation du particulier face à l'universel, bref cette chère Lionel n'est pas là pour se faire aimer de tous, ses apparentes ambivalences bousillant toute position manichéenne.

Mais le problème vient selon moi de la forme. Comme d'autres critiques ici et là, je trouve que les dialogues, en particulier à l'intérieur du couple, sont trop longs, un peu alambiqués, parfois ennuyeux, voire excessifs, nous sortant à coups de pied de l'histoire. La pagination/mise en page est austère, voire inexistante dans ses capacités structurative et esthétique.

La majorité des personnages sont de très gros clichés, et plutôt bas de plafond.
Le stéréotype est un paradoxe éclatant : facilement identifiable, car ayant une véritable existence, il est aussi rejeté voir combattu par une frange idéaliste que l'auteure aime à brocarder. Mais il n'y a pas dans ce livre de réel questionnement à ce sujet, dommage… on en reste à une utilisation convenue, pas très éloignée du tout-venant à gros tirage, les exemples pleuvent sans que je ne daigne me mouiller… Probablement plus facile à utiliser pour transmettre un message unanimement compris, ils nivellent au bulldozer le chemin des possibles… Soit !

L'auteure se fait grave plaisir avec cette retranscription imaginée d'une session d'un comité arbitral interne à une administration, saisie pour des accusations de violences racistes et sexistes par une dirigeante despotique mais intersectionnelle, «digne d'un rond-point en sept sorties », envers le mari de l'héroïne. Une bonne bataille de 38 tonnes, qui ne ferra changer d'avis à personne; la raison humaniste magnifiée face à l'ignorance particulariste moralisée. Un bon plaidoyer à charge et sans décharge, du coup inopérant sur nos consciences de lecteurs, mais asséné par une auteure qui peut se permettre davantage qu'un commun renvoyé vers les marges puantes des extrêmes pour ce genre d'idées.

Les noms de ses personnages…? Hum… disons qu'un stage chez l'inaccessible Thomas Pynchon pourrait aider, lui le spécialiste des patronymes sortis de nulle part, souvent chargés d'un sens plus ou moins caché, alors que ceux de Shriver tombent dans le gadget. Quitte à faire des comparaisons, je ne retrouve pas dans ce livre les qualités d'écriture d'un Franzen, ses « Corrections » pouvant avoir une certaine parenté de thèmes, tout en offrant une qualité de lecture générale beaucoup plus haute.

Donc merci chère Lionel D être là, et surtout d'ouvrir ta gueule au milieu des couinements. Ton crédo est très important pour nous qui — comme toi sans doute si tu parlais français — pensons que le mot « autrice » est juste dégueulasse; qu'à force de tout réduire aux sensibilités de chacun et à un relativisme bon ton, aux sacramentaux « goûts personnels » face à une éducation par ses pairs, à l'illusion du choix et de son éternel inassouvissement, nous courrons vers une société ou la notion même d'apprentissage se retrouve en danger…
De la défiance des nouvelles générations, jetant le bébé-boom avec l'eau des chiottes, nous laissant hurler au besoin de personnalités complexes et tranchées comme toi, si seulement ta plume était à la hauteur de tes ambitions…
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Serenata, 60 ans, voix off pour des jeux vidéo et des livres audio, et son mari Remington (comme les machines à écrire), 64 ans, récemment viré de son poste au Service des Transports d'Albany, vivent paisiblement à Hudson, petite ville un peu décrépite de l'Etat de New York. Paisiblement, jusqu'au jour où Remington, qui n'a jamais réellement pratiqué d'exercice physique et encore moins un vrai sport, décide de courir un marathon. La réaction de Serenata est ironique, certaine qu'elle est qu'après avoir couru 5 minutes, son mari rendra les armes. Elle va pourtant déchanter, puisque Rem s'accroche et s'entête et prend même goût à l'effort. de l'ironie, Serenata passe à la frustration et à l'amertume, d'autant plus qu'elle-même a toujours pris grand soin de sa musculature, enchaînant les kilomètres de jogging et de vélo et les séances d'abdos et de pompes sans en faire tout un plat, jusqu'au jour (récent) où ses genoux perclus d'arthrose ont demandé grâce, au point de la pousser prochainement sur le billard. D'autant plus qu'après le marathon, Rem se met en tête de participer à un triathlon, désormais entraîné par Bambi, bimbo svelte tout en muscles, coach sportive grassement payée pour être impitoyable et convaincre ses clients qu'être un "iron man" n'est qu'une question de VOLONTE.

Désormais Serenata ne voit plus son mari qu'en coup de vent, entre deux entraînements, ou quand il ramène à la maison ses potes du club de "tri" (dont Bambi) pour festoyer après l'effort. Laissant évidemment le soin à Serenata – qui de toute façon "ne peut pas comprendre" – de nourrir et abreuver ces nouveaux héros.

Ambiance dans le couple, où chacun accuse l'autre d'égocentrisme, d'abandon conjugal, de jalousie, d'arrogance et de condescendance, au fil de dialogues d'autant plus mordants qu'ils sont feutrés, chacun s'efforçant malgré tout de ne pas anéantir (tout de suite) 30 ans de vie commune somme toute plutôt heureuse. Mais jusqu'où vont-ils tenir ?

Culte du corps et de la performance sportive comme manière d'affronter ou de nier la vieillesse, voilà le thème principal de ce roman féroce et hilarant. L'auteure force le trait en faisant de ses personnages des caricatures, mais qu'est-ce que c'est jouissif ! Elle dézingue la recherche de la perfection du corps, du dépassement de soi, du record pour le record, pour montrer qu'il ne s'agit que d'une tentative désespérée de remplir le vide d'une vie. Les religions évangéliques en prennent largement pour leur grade, au même titre. En passant, l'auteure aborde également le déclin de la lecture, et la masculinité désorientée par #Metoo. Derrière la potacherie, on lit cependant une réflexion plus profonde sur la vieillesse et le déclin physique qui l'accompagne inexorablement, sur ce qu'elle implique comme renoncements, et sur leur acceptation ou non. le roman parle aussi du couple, de ce qui le lie et le défait, et comment ces ingrédients résistent au temps qui passe, précisément à l'approche de la vieillesse.

Avec ses dialogues incisifs et sa plume trempée dans la plus pure ironie, ce roman caustique et (donc) savoureux m'a beaucoup plu.

En partenariat avec les Editions Belfond via Netgalley.

#LionelShriver #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Courir le marathon tracé par Lionel Shriver fut long et pénible, et l'idée de prendre les chemins de traverse m'a effleurée.

S'il ne s'agissait que de l'histoire de ce couple qui ne vit plus sur la même longueur d'ondes depuis que l'un d'eux découvre les joies (et les souffrances) de l'activité physique intensive. Lionel Shriver ne se prive pas de faire un constat amer de la société américaine de cette décennie en abordant notamment le culte du corps, l'endoctrinement, les relations familiales ou la discrimination dans le monde professionnel (ce dernier point est en particulier bien montré). Parmi les personnages secondaires intéressants, nous retiendrons Tommy, la jeune voisine, et le fils qui, grâce à son détachement et son flegme apparent, prend à contre-pied l'éducation prônée par ses parents.

Le ton est acide, pas particulièrement drôle, sauf quelques répliques bien trouvées. La dernière partie relève malheureusement du ridicule. Ce roman trop long n'apporte rien de bien nouveau.


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Remington , soixante six ans a profité de son licenciement pour se mettre au sport. et pas qu'un peu , puisqu'il envisage de courir un marathon alors qu'il peine à boucler le tour du jardin.
Parallèlement, sa femme , qui a fait de la pratique sportive en solitaire un art ou une raison de vivre est rattrapée par des douleurs récurrentes aux genoux.

Que c'est bien ! Mieux encore que Big Brother . Avec un peu le même procédé , l'exagération pour faire passer implacablement un , ou plutôt des messages .
Avant d'être un livre sur l'addiction au sport, extrêmement bien transcrite, ce livre nous renvoie à notre avenir , celui de la dernière ligne droite quand le corps a commencé lentement à se décomposer et à ne plus répondre à nos aspirations. C'est présenté avec beaucoup de discernement , et le contraste entre les deux époux renforce le trait.

Ce serait trop facile pour l'auteure de s'arrêter là.
Le licenciement de Remington est un grand moment du livre , celui d'un homme blanc licencié par sa supérieure afro américaine et le débat qui en découle.

Pour qui a pratiqué le sport et particulièrement la course à pied, on ne peut nier que l'auteure s'est bien informé ou pratique elle même. La diarrhée en footing , le ressenti ne s'invente pas :)!
Et le style ? assez roayl avec de belles répliques comme ce :
- Un tel a parcouru tout le royaume uni du nord au sud en courant en 11 jours ?
- Pourquoi, les trains étaient en panne ?

Toute la dichotomie du livre est là , entre admirateur béat de l'extrême sportif, pour qui la seule limite est dans la tête et adepte de la non souffrance inutile.
C'est aussi une histoire de couple , qui traverse les années avec des objectifs différents , parallèles ou antagonistes . C'est une histoire d'amour , avec un grand A, amour d'une vie , face aux tempêtes . Une belle leçon.
Un livre formidable.
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Voilà un livre féroce, caustique, et qui dépeint la société américaine dans l'une de ses caractéristiques sociales majeures – la course à la performance - : très réussi.

Serenata est une femme d'une soixantaine d'année chez qui tout irait bien – un mari attentif, un job de doubleuse en voix pour des jeux vidéo qui fonctionne bien, et des enfants problématiques mais loin du foyer – si une petite contrariété ne la perturbait pas : habituée à courir régulièrement tous les jours, avec un beau corps d'athlète « pour son âge », elle souffre d'un problème de genoux qui va l'obliger à renoncer à son sport quotidien, en attendant l'opération inévitable.

Son mari, Remington, n'en mène pas large. Employé au départ par l'Agence des transports d'Albany où il était très apprécié, voilà qu'une nouvelle supérieure hiérarchique lui est attribué : jeune, sans diplôme et totalement incompétente selon lui, mais voilà c'est une « femme de couleur » qui fait partie des minorités jusqu'ici reléguées, et qu'aujourd'hui plus personne ne souhaite attaquer...

Résultat : lorsque Remington hausse le ton dans un entretien avec elle parce qu'elle n'a pas lu l'analyse complète et sérieuse qu'il a faite sur une question d'éclairage, et qu'il se met même à taper du poing sur la table de colère, il se retrouve … licencié pour comportement agressif.

Il va reprendre alors le flambeau délaissé bien malgré elle par son épouse, et se mettre aussi à courir. Mais autant Serenata faisait discrètement son jogging quotidien, autant Remington tient à faire savoir à tout le monde qu'il va courir un Marathon. Branle-bas de combat qui agace sa femme au plus haut point – au départ à mots couverts mais ensuite de façon de plus en plus appuyée. Mais elle se console en se disant qu'une fois le Marathon opéré, il rentrera bien gentiment à la maison s'adonner à une autre passion.
Mais rien ne va se passer comme elle l'imagine.

Pendant le Marathon Remington se fait accompagner par une jeune sportive trentenaire prénommée Bambi – ça ne s'improvise pas – qui dans la vie est « coach sportif ». Voilà donc notre Remington embarqué dans une nouvelle aventure : après le Marathon, le Triathlon !!!
Mais il a un corps de soixante-quatre ans, et les entrainements de plus en plus douloureux qu'il s'impose sous la houlette de Bambi vont être de plus en plus problématiques …

Lionel Shriver décrit à la perfection la course à la performance à laquelle s'adonnent de très nombreux américains – et leur impact sur la vie de couple et la vie sociale. L'autrice de « Il faut qu'on parle de Kevin » est ultra lucide, féroce et caustique dans ses descriptions.

Mais ce qui est intéressant c'est que l'aventure malheureuse de Remington, manipulé par une coach sportive professionnelle de l'endoctrinement, est vu du point de vue de sa femme qui se lamente - sans rien pouvoir faire - de voir son homme être le jouet d'un fantasme de parfait sportif.

Cela va bien au-delà de la simple performance sportive, et l'épilogue, consacré à ces « baby-boomers » qui cherchent à tout prix à retarder l'âge du vieillissement m'a aussi fait penser à « La chair », roman de Rosa Montero lu il y a quelques semaines (même âge, même peur physique du vieillissement sur des corps féminins soixantenaires).

Il y aurait encore beaucoup à dire – sur les personnages secondaires par exemple, telle la fille qui se laisse endoctriner un temps par une église locale – mais je laisse aux Babeliotes le plaisir de la lecture.

Reste que Lionel Shriver, que je ne connaissais pas mis à part le film qui a été tiré de son roman « il faut qu'on parle de Kevin », est une grande portraitiste de la société américaine qu'elle décrit : je vous la recommande vivement.
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