Citations sur Quo vadis ? (Intégrale) (50)
Les yeux bleus de Lygie semblaient sortir d'un songe, alors qu'elle les leva vers Vinicius ; et lui, auréolé des reflets du couchant, lui, soudain penché vers elle, lui dont les yeux frémissaient et priaient, parut plus beau que tous les hommes et que tous les dieux de la Grèce et de Rome, dont elle voyait les statues aux frontons des temples.
– Je pense combien votre monde est différent de celui que gouverne notre Néron.
Elle leva son délicat visage vers la lueur du crépuscule et, simplement, répondit :
– Ce n’est pas Néron qui gouverne le monde, c’est Dieu. Il se fit un silence. Dans l’allée qui longeait le triclinium, on entendit les pas du vieux chef, de Vinicius, de Lygie et du petit Aulus. Mais, avant qu’ils parussent, Pétrone eut encore le temps de demander :
– Ainsi, tu crois aux dieux, Pomponia ?
– Je crois en Dieu, Un, Juste et Tout-Puissant, – répondit la femme d’Aulus Plautius.
Le monde repose sur la supercherie, et la vie est une illusion. L’âme aussi n’est qu’une illusion. Il faut cependant user d’assez de raison pour discerner les illusions agréables de celles qui ne le sont pas.
«L'amour, ajouta-t-il, transforme les gens, ni plus ni moins. Moi, il m'a transformé. Autrefois, j'aimais le parfum de la verveine, mais comme Eunice préfère les violettes, je me suis mis à les aimer plus que toute autre senteur. Depuis l'arrivée du printemps, nous ne respirons donc que des violettes.»
- Hélas! Pétrone, une dissertation philosophique est moins rare qu'un bon conseil!
Et, plus s’exaspérait son amour pour Lygie, plus s’ancrait en lui l’obstination du joueur qui veut gagner malgré tout. Tel il avait toujours été. Dès sa prime jeunesse, il avait poursuivi ses projets avec la passion de quelqu’un qui n’admet ni l’échec ni le renoncement à ce qu’il veut. La vie militaire avait, il est vrai, discipliné son tempérament volontaire, mais, en même temps, elle lui avait inculqué la conviction que chaque ordre donné par lui à ses inférieurs devait être exécuté ; d’autre part, son long séjour en Orient, parmi des hommes veules et accoutumés à l’obéissance passive des esclaves, l’avait confirmé dans cette idée que son “je veux” était sans limites.
Je la veux, toute à moi. Si j’étais Zeus, je l’envelopperais d’une nuée, comme il fit d’Io, ou bien je tomberais sur elle en pluie, comme il tomba sur Danaé.
Je voudrais lui baiser les lèvres jusqu’à la souffrance.
Je voudrais l’entendre crier sous mon étreinte.
Je voudrais tuer Aulus et Pomponia, et l’enlever, elle, l’emporter entre mes bras dans ma maison…
Cette nuit je ne dormirai pas. Je vais faire fouetter un esclave pour l’écouter geindre.
Servilement, les condamnés, en des lettres adulatrices, remerciaient César de la sentence, lui laissant une partie de leurs biens, afin de sauver le reste pour leurs enfants. Il semblait enfin que Néron dépassât à dessein toute mesure, afin de sonder l’avilissement des hommes et leur patience à supporter ses lois sanglantes. À la suite des conspirateurs, furent exterminés leurs parents, et leurs amis, et même de simples connaissances. Les habitants des splendides maisons édifiées après l’incendie savaient qu’en sortant de chez eux ils verraient une suite ininterrompue de cortèges funèbres.
Je vous promets panem et circenses ! Et maintenant, acclamez César qui vous nourrit et vous habille… Après quoi, chère canaille, va te coucher, car bientôt il fera jour.
Je me suis souvent demandé pourquoi, fût-il puissant comme César et sûr comme lui de l'impunité, le crime se donne laborieusement le masque du droit, de la justice et de la vertu...