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Critique de Melpomene125


Quo vadis ? est un roman historique que j'ai trouvé à la fois captivant et instructif sur le règne de Néron et la naissance du christianisme. Henryk Sienkiewicz a écrit un ouvrage passionnant dont le thème central est l'amour sous toutes ses formes.

Vinicius est amoureux de Lygie, une otage lygienne, fille d'un roi, car elle est d'une beauté physique à couper le souffle. Lygie partage cette attirance contre laquelle elle a du mal à lutter. Vinicius est un jeune et beau guerrier arrogant et sûr de lui, pas une seule femme ne résiste à ses charmes alors pourquoi Lygie le repousse-t-elle ?
Parce qu'elle conçoit l'amour à un autre niveau, il n'est pas que l'attrait pour la beauté physique, il est aussi l'amour de la beauté de l'âme. La jeune fille est devenue chrétienne, elle suit les enseignements du Christ, mort crucifié. Cette nouvelle doctrine prône l'amour du prochain, quel qu'il soit, même l'ennemi.

Le sens du titre est explicité dans un des chapitres : « Quo vadis, domine ? » Où vas-tu, seigneur ? Pierre, un des principaux apôtres et compagnons du Christ, a une vision de ce dernier qui va à Rome pour mourir à sa place, "puisque tu abandonnes mon peuple". Pierre sait alors ce qu'il doit faire et retourne à Rome.

Ce roman permet une immersion très intéressante à l'époque de Néron et de sa sanglante dictature. Néron, l'empereur, aime le pouvoir et se débrouille pour faire exécuter tous ceux qui pourraient lui faire perdre le trône. Il vit dans un monde d'ultra violence et la pratique lui-même avec grand plaisir pour ne pas être renversé.

Tyran impitoyable, il aime aussi l'art, la musique et le chant, il est en perpétuelle recherche de l'approbation des membres de sa cour, qui doivent faire semblant d'adorer son art sous peine d'être condamnés à mort ! Même les enfants ne sont pas épargnés car la folie de Néron est sans limites, ses désirs doivent être exaucés dans la seconde. L'amour du pouvoir, du sentiment de toute-puissance qu'il confère lui fait perdre la raison.

Quo vadis ? donne une vision différente de ce qu'est le christianisme à l'origine, lorsqu'il n'était qu'une doctrine nouvelle et rebelle au sein du judaïsme, avant de se propager et de renverser l'ancien pouvoir, l'ancienne manière d'envisager le monde, qu'incarnent Néron et Vinicius, avant sa conversion. Vinicius est comme Néron, il use de la violence pour assouvir ses moindres désirs.

Le christianisme des débuts est fondé sur la puissance de l'amour qui transformera l'exercice du pouvoir, mettra les peuples sur un pied d'égalité et détruira l'ancienne organisation sociale pour la remplacer par une nouvelle qui ne sera plus fondée sur la force et la guerre mais sur l'amour et l'égalité de tous devant le Seigneur, le Christ.

Ces idées novatrices et subversives inquiètent Néron qui profite d'un incendie et d'une rumeur l'accusant d'en être responsable pour persécuter les chrétiens et les éliminer d'une façon épouvantable décrite sur de nombreux chapitres. La foule effrayante de bassesse, de bêtise, de méchanceté, se délecte des massacres, du sang qui la divertit et adule Néron. Serait-ce la banalité du mal dont parle Hannah Arendt ?

De nombreux personnages historiques émaillent le récit. Ma préférence va à Pétrone, sans doute le plus célèbre, auteur supposé du Satiricon, l'arbitre des élégances, courtisan de Néron, qui sait cependant rester un esprit libre grâce à la finesse de ses réparties, l'intelligence de ses sarcasmes dissimulés.

La liberté est un état d'esprit qu'il cultive et arrive à préserver même dans une sanglante dictature. Il profite de chaque jour avec philosophie sans se faire d'illusions sur son sort ultime auquel il est préparé. Il saura l'affronter avec courage, dignité, calme, sans laisser paraître la moindre angoisse, en restant sarcastique et supérieur à son bourreau.

" J'ai vécu comme j'ai voulu, je mourrai comme il me plaira", dit cet esthète, amoureux de la beauté, qui déteste le crime car il est laid mais ne peut se convertir à la nouvelle religion à la mode. S'il concède que le Christ est sans doute le plus honnête des dieux, il pense que cette doctrine n'est pas faite pour lui, il serait incapable d'aimer la totalité de son prochain, Néron etc.

Difficile de ne pas penser à Hitler et aux nombreux tyrans sanguinaires que deux mille ans d'Histoire ont produits. Il est effectivement dur d'être réellement chrétien. Qu'en est-il de l'Inquisition et des bûchers d'hérétiques protestants ? Un exemple de l'amour du prochain ?

Henryk Sienkiewicz ne les ignore pas. Parmi les chrétiens des origines, il sait dépeindre certains personnages qui annoncent les fanatismes à venir, fanatismes qui feront dire à Dostoïevski dans Les Frères Karamazov par la bouche d'Yvan le tourmenté que, si le Christ revenait, il serait brûlé par le tribunal de l'Inquisition. Probablement que Pétrone l'aurait été aussi, bien que l'apôtre lui ait promis que l'exercice du pouvoir serait différent avec sa nouvelle doctrine et que les esprits libres ne risqueraient plus d'être condamnés à mort.
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