« Ton absence, les mots que tu ne savais pas lire, ta mort passée inaperçue , le courage d’Aline me forcent à écrire pour retracer son histoire et celle de ses ancêtres pour que personne ne l’oublie .Pour que je ne t’oublie pas mon père .
J’aimerais te rendre les mots que tu ne savais pas écrire , les mots que je n’ai pas pu te dire » .
Les envahisseurs ne se sentent pas responsables, ils n’étaient pas les premiers à faire le mal. Au contraire, ils ont voulu réparer en apportant leur civilisation incontestablement supérieure. C’est le crime organisé. La perversion narcissique. La douleur est au fond de chacun. L’Afrique est blessée. L’homme a ça de commun avec l’animal, il forge certains traits de son caractère sur des blessures initiales. La douleur ne disparaît jamais, elle s’apprivoise. Les enfants des Africains qui ont traversé les mers, enchaînés dans les cales des bateaux négriers, et ceux qui les ont vus partir, pleurent encore, en Afrique, dans les îles aux paysages paradisiaques, dans les banlieues françaises, et à Charlottesville.
Les tyrans trouvent leur pouvoir dans les faibles qui les entourent.
Existent-ils des bons colons ? Ceux qui ont fait de l’Afrique une terre civilisée en éduquant les sauvages. Beaucoup de gens biens le pensent encore, on dit encore aujourd’hui, malgré le recul, qu’il y a de la noblesse dans le colonialisme. Non. La cruauté efface la noblesse. La noblesse est une qualité du cœur et non une affaire de pouvoir. Noblesse, grandeur des qualités morales, de la valeur humaine. Peut-on dire qu’il y a de la noblesse dans le colonialisme ? Je suis seule autour de cette table, on me dit qu’il y a débat, mais Sartre, de ses lumières immortelles, éclaire notre pensée : « L’intention la plus pure si elle naît à l’intérieur de ce cercle infernal, est pourrie sur-le-champ. Il n’est pas vrai qu’il y ait de bons colons et d’autres qui soient méchants : il y a des colons c’est tout. »
L’amour nécessite un point de départ, il implique forcément l’amour de soi pour parvenir à l’autre.
— Et le bonheur, Aline, et le bonheur ?
— Il est simple… Il suffit de ne pas vouloir sans cesse décrocher la lune pour la posséder, aussi sublime soit-elle, mais de se contenter de la contempler.
Il ne faut pas oublier que nos oppresseurs sont si peu et nous sommes si nombreux. Ce n’est seulement qu’une poignée d’hommes qui font semer la terreur, puisant leur puissance dans la masse effrayée en les plongeant dans l’obscurantisme. Si on veut l’indépendance il faut pouvoir se libérer de cette peur, nous sommes un peuple fort.
— Une masse silencieuse qui s’oppose au système est plus efficace que les armes. La violence crée la confusion dans la pensée et transforme le cœur en pierre. En prenant les armes vous devenez ce que les adversaires attendent de vous.
J’exige le maintien de nos traditions, nous devons les remettre au centre de nos vies, pour retrouver l’axe sur lequel on s’équilibre. Si on vide un homme de sa substance, il se retrouve comme un coquillage échoué sur la plage qui trompe l’homme, en confondant le bruit du vide avec celui du vent. Chérissons nos racines, un être colonisé est un être déraciné à qui on ne donnera jamais la possibilité de s’enraciner ailleurs. Il faut remettre à l’honneur toutes les valeurs que nous ont léguées nos ancêtres : la littérature orale, les proverbes, fables, chants, et aussi la sculpture, vannerie, poterie, habillement, nourriture, toutes les mœurs et les coutumes. Cette fidélité n’exclut pas tout apport positif de l’extérieur. L’égalité doit exister entre tous les êtres humains sans distinction de race, religion, ethnie, âge, sexe. Si vous rencontrez des blancs qui sont bons, ne soyez pas hostiles. L’amour de notre prochain, l’entraide, la solidarité et la charité, doivent rester nos préoccupations quotidiennes.
Un pauvre est un homme qui n’a plus de bête à sacrifier lors de son enterrement.