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Critique de morganex


A Paris, de fin février à mi-mars 1949, rue de Turenne, place des Vosges, square d'Anvers … se télescopent deux enquêtes policières menées, l'une par Maigret (c'est attendu !) et l'autre par son épouse (c'est la surprise du chef !).

La seconde affaire apparait en fil rouge satellitaire dans le cours principal du récit. Mme Maigret est à la recherche de « la dame au chapeau blanc » (l'amie du titre) qui, square d‘Anvers, sur un banc public, lui a laissé son enfant de deux ans « pour un moment » et n'est revenue le récupérer (pour tout aussitôt disparaitre) qu'au bout de deux heures sans fournir d'explications. L'affaire semble anecdotique (le commissaire en sourit, se moque presque …). Simenon use d'un ton souriant, ludique et amusé, décrit une situation empreinte de l'espièglerie et de la malice de Mme Maigret. A minima pour rendre service à son mari, Mme la Commissaire mène une enquête privée tout en souplesse, évidences et célérité à la grande surprise de son époux. Ses investigations rejoindront, bien évidemment, celles conduites par son mari dans une autre affaire. Maigret, pour l'heure, à contrario, se trouve face à une enquête complexe, difficile car trop médiatisée ; il peine à utiliser ses méthodes habituelles et se voit contraint à en user d'autres, plus conventionnelles et méthodiques qui ne lui plaisent que peu. Nous voici en plein roman policier de procédure ... où en attendant son heure, Maigret et ses manies d'immersion font le gros dos. La situation usant du contraste inattendu mais vraisemblable entre les deux époux, progresse peu à peu de l'humour au drame.

L'autre enquête, celle principale menée par Maigret, est plus sombre et plus complexe, porte tout le poids dramatique de l'intrigue. Sur la foi d'une lettre anonyme la Police perquisitionne l'échoppe d'un relieur de la rue de Turenne et découvre deux dents humaines dans les cendres de son calorifère. L'homme, Steuvels, est arrêté. Liotard, un très jeune avocat arriviste entre en scène comme un bulldozer. L'homme de loi est hautain et ambitieux ; c'est un rentre-dedans opportuniste, désireux de se faire enfin un nom et de la publicité. Il convoque la presse pour des points presse mouvementés où le discrédit est porté sur Maigret et sa hiérarchie. L'avocat que rien ne semble rebuter, cherche à pousser l'institution policière à la faute. Les quotidiens ouvrent sur des unes féroces fustigeant une enquête qui piétine et ceux qui la mènent de leur incompétence. Maigret bousculé dans ses habitudes, poussé dans ses retranchements, perd ses marques et sa routine d'enquête, multiplie ses adjoints à ses côtés pour mener une banale chasse aux indices dont il n'a pas l'habitude. Autour de lui, tout lui semble aller plus vite qu'à l'ordinaire, trop vite même ; il envisage même de tout reprendre à zéro. Maigret, qui n'est souvent que patience, courre contre la montre. Ses méthodes attentistes classiques, sous le poids de l'urgence, sont inapplicables ... Il n'a qu'une hâte : que tout cela finisse.

Simenon, en toile de fond, fait appel à la pègre et imagine, tout naturellement, une bande de malfrats d'où aucun n'émerge vraiment ; ils apparaissent couleur muraille, comme noyés dans une clandestinité imposée, l'un chasse l'autre, qui est qui ?. L'intrigue est complexe, les péripéties et les personnages abondent, ces derniers apparaissent, se croisent, disparaissent, se planquent, réapparaissent, mentent, complotent, se disculpent, empruntent de fausses identités pour compliquer le tout. Les faits d'enquête, tout autant que les coups de théâtre associés se bousculent (Simenon, à mi-parcours, s'oblige en conséquence à un récapitulatif d'une dizaine de pages pour ne pas perdre son lecteur). « L'homme nu » y perd ses petits, l'étude des personnages se dilue sous le nombre. Simenon n'a plus de vrai sujet d'étude psychologique sous la plume mais plusieurs, et c'est trop pour cibler la complexité d'un seul et unique, celui qui raclé jusqu'à l'os rendra tout son jus. N'empêche, « L'amie de Mme Maigret » dessine à merveille une collection d'hommes et de femmes au point de rencontre de mondes antagonistes : effervescence policière au 36 Quai des Orfèvres (filatures, tracasseries administratives, méthodes scientifiques d'investigation …), fébrilité clandestine de truands aux abois, intimité blackboulée du couple Maigret, presse peu regardante de l'objectivité de ce qu'elle publie, hommes de loi véreux, hypocrisie sociale des palaces parisiens …

Adaptation télévisuelle française en 1977 par Marcel Cravenne avec Jean Richard dans le rôle principal. Adaptation radiophonique en 1950 …

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