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Critique de Woland


Maigret est toujours en retraite et toujours à Meung-sur-Loire où viennent littéralement le supplier le jeune Jean Maura et son notaire, le vieux M. d'Hoquélus, afin qu'il accompagne le jeune homme à New-York pour y rejoindre son père, John Maura, lequel serait en danger. Un danger mal défini, auquel John Maura - né français et à Toulouse, sous le nom de Joachim Maura - fait allusion en transparence dans les lettres qu'il expédie régulièrement à son fils. Pour il ne sait trop quel raison et presque honteux de l'avouer à sa femme, Maigret finit par accepter. Après tout, il a tout de même quelques connaissances au niveau de la police new-yorkaise ...

Dès l'arrivée à New-York, premier gros problème, complètement inattendu : disparition pleine et entière de Jean Maura. Est-il descendu du navire avant Maigret ? La foule les a-t-elle faits se perdre de vue ? Quand on connaît le grouillement d'un port tel que celui-là, cela reste possible. Maigret se rend donc au Saint-Regis, hôtel cinq étoiles où se tient d'habitude John Maura lorsqu'il est à New-York, persuadé qu'il va retrouver le jeune homme chez son père. Mais là, entre l'employé hautain du desk, le secrétaire particulier de Maura, un dénommé Jos Mc Gill et Maura lui-même, sortant de sa chambre alors qu'on venait de le prétendre à Rio ou au Vénézuéla, il est pratiquement reçu comme un chien dans un jeu de quilles. Pire : le fait d'apprendre la "disparition" de son fils ne semble faire ni chaud ni froid à celui que le milieu des affaires a fini par surnommer, en raison de sa taille, "Little John."

Oh ! Maigret est bien tenté de reprendre le premier paquebot en partance pour la France mais ... Mais il ne serait plus Maigret s'il le faisait. Il renoue donc avec un homologue new-yorkais, le capitaine O'Brien - dont le lecteur se souviendra, je pense, toute sa vie, qu'il est roux et ressemble à un mouton - et, malgré les conseils (officiels) de celui-ci et peut-être avec ses encouragements (tacites et officieux), il décide de tirer l'affaire au clair.

John Maura a beau sortir son carnet de chèques et jouer de tout son mépris, Mc Gill a beau faire preuve tour à tour d'ironie et d'attention, de curieux individus ont beau sortir des trottoirs new-yorkais pour suivre un Maigret en pleines cogitations bougonnes et humiliées, rien n'y fait : notre commissaire finira par avoir la clef de l'énigme.

Mais, pour ce faire, Simenon recourt ici à un procédé qui ne m'a vraiment pas convaincue. Ca aurait pu marcher, notez, mais non, j'ai lu ce livre deux fois et, toujours, cette scène m'a paru aussi artificielle : devant les témoins concernés, dont Mc Gill et John Maura, convoqués pour cela à une heure moins dix du matin dans la chambre du commissaire à l'hôtel Berwick, dans le Bronx, Maigret se livre, tenez-vous bien, à un véritable interrogatoire téléphonique auprès d'une personne alors en France, à La Bourboule, très précisément, où, décalage horaire oblige, il est sept heures du matin. Alors, c'est gros, c'est énorme ... et ce n'est pas crédible. le "coupable" - en tous cas le responsable de tout cela - qui ne connaît pas Maigret, qui n'a jamais eu affaire à la Police, qui possède un casier vierge et qui n'a jamais trempé dans aucune affaire louche, un homme qui peut aisément passer pour un notable, cet homme s'effondre au téléphone presque immédiatement. Deux ou trois timides protestations mais c'est tout : il avoue tout de suite, ou presque. Evidemment, le personnage est un lâche patenté mais tout de même ...

Non, ça ne passe pas. En tous cas pour moi. Il me semble que, dans ce "Maigret" - qui regorge par contre de personnages secondaires tout bonnement merveilleux comme le "clown" Ronald Dexter, l'impassible lieutenant Lewis, Germain, l'ancien M. Loyal et Lucile, voyante extra-lucide, sans oublier Jim Parson, un journaleux qui vous postillonne sa haine à la figure et qui finira en outre très mal - Georges Sim étouffe Georges Simenon au moment même où, justement, il aurait dû le soutenir de toutes ses forces et de toute son imagination.

Cela dit, vu le rythme d'écriture de l'écrivain, on ne s'étonnera pas de trouver, dans sa production, y compris celle qui ne se rapporte pas à Maigret, quelques "flops" mémorables. C'est la rançon du génie et l'imperfection aussi à son charme. Peut-être, en définitive, New-York ne convenait-il à ce moment-là ni à Maigret, ni à Simenon. Pourtant, l'ambiance est superbement rendue et certaines manies anglo-saxonnes en prennent pour leur grade. Mais on préfèrera certainement à ce roman "Maigret chez le Coroner" qui se déroule, lui, dans l'Amérique profonde et qui, bien que rappelant assez un film américain avec duel de prétoire, possède plus l'"esprit Simenon" que "Maigret à New-York."

Toutefois, ce n'est qu'un avis personnel. Pour vous faire votre idée de "Maigret A New-York", lisez-le. Qui sait, vous adorerez peut-être de bout en bout. ;o)
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